Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Vigier : bâtir et grandir

Le groupe de construction de bâtiments d'entreprises et de génie civil industriel, né à Thiviers en 1947, se développe dans tout le grand Sud-Ouest. Ses coprésidents sont devenus actionnaires majoritaires, accompagnés financièrement par Turenne Groupe dans cette sortie de la famille fondatrice.

Sébastien FROUIN et Grégory SAERENS Coprésidents du groupe Vigier

Sébastien FROUIN et Grégory SAERENS Coprésidents du groupe Vigier © Louis Piquemil - La Vie Economique

Entrés au capital en 2007, ils ont officiellement pris en août dernier la majorité des parts du groupe qu’ils coprésident depuis 2015 : Grégory Saerens, par ailleurs président du club Entreprises du Haut Périgord et Sébastien Frouin, vice-président du Medef Périgord se retrouvent chaque mercredi au siège de Cré@Vallée. « On échange beaucoup, on s’aide, mais chacun doit conserver sa spécialité. » Le premier a quitté Lille pour entrer dans l’entreprise en 1998 comme conducteur de travaux en génie civil à Thiviers, seul site à l’époque ; le second est arrivé en 2001, après un parcours bureau d’études et chargé d’affaires en spécialité charpente. Tous deux ont progressé au sein du groupe qu’ils ont activement développé. « On s’est vraiment rencontrés sur le projet du Palio, à Boulazac, pour une collaboration charpente et gros œuvre. On a vu qu’on était compatibles dans nos modèles et nos idées : respect, loyauté, travail sont nos valeurs pour nos collaborateurs et pour le groupe. »

Le groupe a réalisé l’ensemble de bureaux du Grand Périgueux livrés en 2023

Jean et Pierre Vigier, à la tête de l’entreprise héritée de leur père, savaient que leurs enfants ne prendraient pas la relève. « Ils ont vu en nous des entrepreneurs et nous avons grandi dans le capital. Il y a 15 ans, on ne se projetait pas à la tête du groupe tel qu’il se présente aujourd’hui ! » Sébastien Frouin avait depuis longtemps envie d’avoir sa propre structure. C’est ainsi qu’il est arrivé sur le site de Gardonne, sollicité par Jean Vigier pour développer le pôle construction en lieu et place d’une entreprise défunte.

Vigier

Entreprise Imepsa (Montrem) © Groupe Vigier

Transmission réussie

Ne pouvant à eux seuls acquérir le groupe, Grégory Saerens et Sébastien Frouin ont cherché un fonds d’investissement compatible avec leur mode de fonctionnement. « Il faut donc trouver le bon moment pour finaliser la transmission. Plus le groupe croît, plus il prend de valeur… Et plus cela nous coûte cher d’acheter ce qu’on a contribué à créer ! » Trois propositions ont été retenues pour les dernières discussions, y compris la possibilité de s’adosser à un groupe industriel. La démarche RSE a guidé leur choix. « Pas question d’un modèle avec des rentabilités immédiates et une sortie cinq ans après. On voulait avant tout rassurer nos compagnons. »

Poids lourd régional

Vigier, pilier régional de la construction métallique de bâtiments d’activité tertiaire et du génie civil industriel, dispose de ses propres bureaux d’études (charpente, béton…) pour maîtriser la chaîne ingénierie de calcul. Le groupe est organisé en quatre pôles : construction de bâtiments professionnels (48 % de l’activité), génie civil (ouvrages en béton et canalisations, 36 %), travaux spéciaux (réparation*, désamiantage, châteaux d’eau… 8 %) et préfabrication béton (étude, conception et réalisation, 8 %). Ces savoir-faire transverses se sont consolidés. Les 11 sociétés du groupe (Dordogne, Gironde, Charente-Maritime) emploient 240 salariés (plus 20 en intérim) pour un chiffre d’affaires global de 65 millions d’euros.

*Actuellement renforcement du squelette de la flèche de l’église Saint-Michel à Bordeaux, un travail mené avec les Compagnons de Saint-Jacques : une opération très spéciale.

Un développement tourné vers l’humain

Avec le fonds d’investissement Nov Relance Impact, géré par Turenne Groupe*, les dirigeants ont choisi un Management Buy Out primaire pour réorganiser le capital, avec la sortie des frères Vigier et la prise de participation majoritaire des deux présidents, passés de 48 % à 53 %. « Ce rapprochement nous a semblé la meilleure option pour structurer un développement tourné vers l’humain », assure le duo qui a su créer de nouvelles activités, racheter des entreprises pour renforcer leur groupe d’adoption. « Nous avons des efforts à accomplir sur nos consommations car les entreprises du bâtiment génèrent d’importants déchets. Nos partenaires financiers nous ont challengés et tiennent la feuille de route sur les engagements qu’on s’est fixés sur cinq ans. » Le groupe veut faire évoluer ses modes constructifs « dès la conception, au niveau maîtrise d’œuvre » pour améliorer son bilan carbone.

Parmi les nombreux chantiers, celui du Centre événementiel du Bergeracois (salle de spectacles de 2 500 places) qui sera livré à l’été 2025

Objectif Toulouse

Le renforcement du positionnement de contractant général devrait permettre de consolider la croissance. Celle-ci passera par une stratégie ciblée d’acquisitions pour étendre le maillage territorial et la palette de métiers du groupe, avec les moyens nécessaires à l’accélération d’implantations. Une enveloppe est prévue sur deux ans pour assurer une phase de croissance externe, avec des pistes sérieuses « vers des entreprises qui nous correspondent, sur nos socles d’activités. Nous venons de créer une agence près de Hossegor, nous avons deux entreprises en Charente-Maritime ». La recherche en cours pourrait bien étirer les contours géographiques vers Toulouse. « Vigier s’est construit sur une succession d’opportunités. Alors qu’on venait de créer Techni Composite pour les travaux spéciaux (renforcement carbone, résine), une entreprise dédiée était à reprendre ; on a quand même saisi l’opportunité. Les responsables d’entités ont, eux aussi, des stratégies dans leur propre sphère et on peut développer par croissance interne. »

Vigier

© Groupe Vigier

Un avenir radieux RSE

Le processus de transmission se préoccupe d’associer au capital la nouvelle génération de cadres et d’accélérer la transformation RSE déjà engagée par un mécanisme de partage de la valeur avec l’ensemble des salariés. « Pour tous et pour tout le monde pareil : le groupe est solidaire. » La direction est partagée avec les responsables d’agence : le Codir constitué se réunit deux à trois fois par an pour fixer la stratégie. « La seule différence avec eux, c’est que nous sommes actionnaires, chacun est responsable de son centre de profit ; nous aussi sommes en production propre, la tête dans le guidon. »

On se bat pour nos équipes, des compagnons qui partent à 6 heures du matin pour passer la moitié de la journée sous la pluie sur un chantier

Depuis trois ans, le recrutement était compliqué dans tout le secteur, « mais nous commençons à recevoir des candidats intéressants et formés » que des entreprises du Bâtiment, plus touchées par la crise, ont dû licencier. « On repère surtout le savoir-être et une capacité d’adaptation. Avec de la volonté, on peut vite évoluer. 80 % de nos directeurs ont commencé conducteurs de travaux. » Afin de faire connaître les métiers, une série de vidéos va fleurir sur le site Internet. La filière se féminise : peu en production et ateliers, davantage côté parc de matériel, encadrement, chargé d’affaires, conducteur de travaux, économiste, dessin. « Une directrice du pôle construction est entrée au Codir ».

Fragilité des commandes publiques

L’ensemble de la filière s’inquiète du manque de budget des collectivités, la loi artificialisation des sols compliquant la situation. « Même s’il faut réglementer le code de la construction, ce n’est pas le bon rythme de réduire de moitié les prévisions sur dix ans. » Le groupe s’est déjà réorienté vers la réhabilitation, « il est encore possible de travailler des friches ou de désimperméabiliser des sols, mais déconstructions et dépollutions ont un coût. Il faudrait une politique plus incitative sur la requalification ».

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Espace Aliénor du Grand Périgueux © Groupe Vigier

Moitié des marchés de construction en Gironde

Si les chantiers de génie civil sont à 70 % publics, ceux de construction relèvent à 90 % du privé. Vigier a la chance d’équilibrer ses activités. Si la moitié des marchés de construction se situent en Gironde, l’ancrage reste fort en Dordogne. Le groupe a conçu et réalisé l’ensemble de bureaux du Grand Périgueux livrés en 2023 et la nouvelle piscine de l’agglomération. Parmi ses prochains rendez-vous, le chantier du Centre événementiel du Bergeracois (salle de spectacle de 2 500 places et salles de conférences) vient de démarrer pour une livraison à l’été 2025. Côté génie civil de l’eau, l’historique de Vigier (hors process de traitement), la station d’eau potable d’Angoulême sera bientôt livrée, après trois ans de travaux. « Nous démarrons le chantier de la station d’épuration des Eyzies, avec un aspect architectural travaillé. »

80 % de nos directeurs ont commencé conducteurs de travaux

Les deux dirigeants, investis dans le milieu économique — FFB, Medef régional, CJD —, se demandent moins ce que serait devenu le groupe Vigier s’ils n’avaient pas pris la relève que ce qu’il pourrait devenir. « On ne veut pas se réveiller trop tard pour pérenniser, on a envie que l’état d’esprit perdure. » Avec une énergie venue de l’intérieur, « même s’il importe de ne pas rester isolé : les échanges ont contribué au développement du groupe, à notre développement personnel aussi ».

*Fonds doté de 124 millions d’euros, réunissant un pool de sept investisseurs institutionnels français

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VCN industrie (Sigoulès) © Groupe Vigier

Hausse des prix, météo et sécurité

Le groupe a pris de plein fouet la hausse du prix de l’acier, « 300 % en quelques semaines au début du conflit en Ukraine, avant de revenir au prix habituel ». D’autres matériaux continuent d’augmenter : le béton (+ 5 à 7 % ce début d’année), les isolants et produits liés à l’énergie. « Sur les appels d’offres, l’augmentation est amortie mais c’est plus compliqué pour le secteur privé, des commandes ont été annulées : certains bâtiments ont pris 35 %. » La diversité des activités permet de lisser les crises. Si les équipes arrivent à s’accommoder de la canicule et du froid, les déluges de l’automne ont eu un impact sur la production. « Les deux plus mauvais mois de facturation, en jonglant avec des plannings de plus en plus tendus. » Enfin, comme beaucoup, le groupe doit sécuriser ses chantiers pour éviter les vols par des filières très organisées. « On vient de nous voler un chariot manuscopique, en plein jour aux yeux de tous. Et on surveille tous les matériaux de valeur… Et le carburant. »