Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

2nde voie montre l’exemple

Avec son entreprise spécialisée dans le réemploi de matériel de montagne, Séverine Crouzet offre une filière de recyclage pyrénéenne aux cordes, aux baudriers et aux chaussons d’alpinisme. Dans son atelier d’upcycling, basé à Saint-Laurent-de-Neste, sont déclinés les différents produits de sa marque 2nde voie.

2nde voie

© Lilian Cazabet - La Vie Economique

L’atelier de Séverine Crouzet, basé dans la zone d’activité Pic Pyrénées Innovation à Saint-Laurent-de-Neste, ne manque pas de couleurs. Les cordes et baudriers bariolés accaparent les rayonnages et les étagères des deux pièces qu’elle occupe dans la pépinière d’entreprises. Passionnée d’escalade et ancienne étudiante des Beaux-Arts, Séverine Crouzet s’intéresse à l’écodesign et au travail de la matière. Elle crée dans un premier temps, en 2017, la microentreprise Cerizz Tagada. Elle y donne plusieurs fois par semaine des cours de couture et mène des ateliers dans des quartiers populaires. Elle prône l’expérimentation et l’utilisation d’une matière première de seconde main. Par sa pratique des sports de montagne, la créatrice se pose rapidement la question du recyclage de son matériel d’escalade, ce qui va l’amener à s’intéresser au réemploi des cordes et du matériel de grimpe.

2nde voie

Séverine Crouzet, créatrice de 2nde voie © Lilian Cazabet – La Vie Economique

Un processus à mettre en place

La première étape passe par le traitement de sa matière première et le lavage des cordes. Elle contacte la blanchisserie Bipy, basée à Valentine (31), qui l’accompagne dans son projet. S’ensuit une série de tests pour déterminer de quelle manière laver ses cordes de la façon la plus écologique possible tout en restant efficace. Une fois sa matière première propre, Séverine Crouzet travaille sur des cordes vidées. Avec ces cordes plates et les sangles des baudriers, elle crée des pochettes, des besaces, des trousses et des ceintures. Le maximum d’éléments du matériel d’escalade sont récupérés et revalorisés. Même les boucles des baudriers ont droit à une seconde vie. Elles reçoivent un thermolaquage réalisé par Chroma’tec à Lannemezan, après avoir été sablées sans solvant. « Le processus est au point, nous savons défibrer, broyer, diviser. Nous utilisons l’artisanat pyrénéen et travaillons avec des personnes qui ont la même éthique que nous », souligne Séverine Crouzet.

Né en 2019

Devant l’absence de filière de réemploi du matériel d’escalade dans les Pyrénées, Séverine Crouzet décide finalement de déposer sa marque 2nde voie. Pour récupérer sa matière première, des cordes et des baudriers principalement, elle crée des bacs de récupération qu’elle installe dans des salles professionnelles d’escalade. En tout, entre Saint-Gaudens (31) et Pau (64), elle en possède 5. Ces bacs, dont elle réalise une partie du dessin gravé grâce au laser du FabLab de la zone Pic Pyrénées Innovation, lui permettent de communiquer sur sa démarche. Séverine Crouzet a déjà récolté plusieurs kilomètres de corde et fait preuve d’une organisation sans faille pour gérer son stock. Le matériel non traité est gardé dans un garage et seules les matières premières lavées arrivent dans les locaux situés dans la zone d’activités. Ses partenaires, les salles d’escalade qui l’accompagnent lui confient leur matériel hors d’usage. « Certaines cordes ont des dates de péremption. Un jeu de corde mesurant 50 mètres, il y a des kilomètres de cordes à récupérer chaque année. Si certains sont précautionneux d’autres s’en débarrassent dans des incinérateurs. Je préfère travailler avec des partenaires qui ont une démarche responsable », remarque Séverine Crouzet.

Nouvelle machine

Si la pétillante artiste travaillait dans un premier temps sur des cordes vides, elle a fait l’acquisition d’une machine à coudre pour sculpter et coudre la corde pleine. Séverine Crouzet a ainsi ajouté à sa production des pots de fleurs, des paniers et des tapis. Des pièces uniques et éditées en petites séries. Parmi la matière qu’elle récupère dans les Pyrénées, elle utilise aussi le néoprène et les toiles de parapente pour compléter ses créations avec des parties plus légères. Chez Séverine Crouzet, rien ne se perd, rien ne se crée et tout se transforme : certaines parties des chaussons d’escalade, comme les bandes velcro, peuvent être réutilisées. Avec les toiles de parapente, sont fabriqués des pochettes et des emballages pour ses produits. Avec les brins de l’intérieur des cordes sont rembourrés des coussins d’extérieur.

Il y a des kilomètres de cordes à récupérer chaque année

Un site marchand

Touche à tout, Séverine Crouzet maîtrise son projet de A à Z. Le flocage de ses étiquettes est réalisé au FabLab de la zone Pic Pyrénées Innovation, où elle fait aussi de la découpe laser et de l’impression UV. Les présentoirs de la marque sont fabriqués maison. « C’est un projet où tout est fait sur mesure », confirme-t-elle. La créatrice s’occupe également de sa communication et elle a ouvert en septembre dernier son site de vente en ligne 2ndevoie.fr en plus de vendre directement dans ses locaux. Pour l’avenir, Séverine Crouzet souhaite continuer de récupérer de la matière locale et poursuivre la structuration de la filière qu’elle a mise au point dans les Pyrénées. « Une autre entreprise a une activité similaire dans les Alpes, lorsque nous avons des appels venant de là-bas nous les aiguillons vers eux et vice-versa », explique-t-elle. L’objectif de Séverine Crouzet pour le futur ? « Conquérir les Pyrénées », s’amuse-t-elle.