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Arobase – Société à mission, un engagement stratégique

En 2021, le groupe Arobase est devenu société à mission sous l’impulsion de son dirigeant et grâce à l’accompagnement de Philippe Arraou, expert-comptable, commissaire aux comptes et consultant en transformation d'entreprise. Les explications à deux voix.

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Santiago DIEZ, dirigeant du groupe Arobase et Philippe ARRAOU, expert-comptable et commissaire aux comptes © Cyril Garrabos - La Vie Economique

Philippe Arraou

La Vie Économique : Pourquoi vous être « spécialisé » dans le statut de société à mission, qui, si on doit le résumer, garantit le respect par l’entreprise d’engagements sociaux et environnementaux ?

Philippe Arraou : La plupart des gens pensent que les experts-comptables font uniquement de la comptabilité : ils ont tout faux. Notre rôle est d’accompagner l’entreprise dans ses divers besoins, qui sont, par l’adaptation à un marché, en permanence en évolution. Fin 2017, alors que je terminais mon mandat à la présidence de l’ordre national des experts-comptables, j’ai participé à un groupe de travail sur l’avant-projet de la loi Pacte, votée en 2019, qui a introduit la qualité de société à mission. Lors du Covid, l’arrêt de notre économie a été un signe fort, sinon d’une fin de cycle en tout cas de la nécessité de prendre une autre orientation et de s’engager sur la RSE, la société à mission étant l’un de ses volets.

LVE : Toute entreprise peut prétendre à ce statut ?

Philippe Arraou : Les directives européennes obligent les grandes entreprises à publier un rapport d’information non financière qui précise leur politique RSE. Celles qui ont moins de 250 salariés n’ont pas cette obligation mais elles ont, en revanche, la liberté de le faire. Pour ma part, je les pousse à s’engager sur la RSE et sur la société à mission parce que cela permet d’y aller petit à petit : il ne faut pas tarder tant qu’elles ne sont pas concernées par ces contraintes réglementaires. Il y a des vertus et des avantages à tirer en termes d’image et de dynamique interne.

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Philippe ARRAOU, expert-comptable et commissaire aux comptes © Cyril Garrabos – La Vie Economique

LVE : Comment accompagnez-vous vos clients dans cette démarche ?

Philippe Arraou : Devenir société à mission naît d’abord de la volonté d’un dirigeant : il est une locomotive, son engagement est essentiel. Ensuite, il s’agit d’un projet travaillé en interne, porté par les salariés qui mènent l’action. Concrètement, l’entreprise définit d’abord ses valeurs, puis écrit une raison d’être détaillée en objectifs, qui sont eux-mêmes déclinés en plan d’action. De mon côté, mon accompagnement consiste à faire de la coordination et de l’animation, à être aux côtés de l’entreprise pour guider le travail et formaliser cette raison d’être.

LVE : La qualité de société à mission est ainsi inscrite dans les statuts d’une entreprise ?

Philippe Arraou : En effet, il faut insérer dans l’objet social de l’entreprise un article qui confirme cet engagement. Cette orientation donnée, affichée publiquement, engage la responsabilité des dirigeants d’autant plus qu’un audit est réalisé a posteriori, tous les deux ans, pour vérifier l’évolution de l’entreprise vers les objectifs qu’elle s’est fixés. Il va faire l’objet d’un rapport qui doit être déposé avec les comptes d’annuels de l’entreprise. Ainsi, si celle-ci n’a pas tenu ses engagements, ce sera connu. C’est pourquoi, dans mon conseil, je fais en sorte que les entreprises ne mettent pas la barre trop haute. Je leur dis « Ne soyez pas trop ambitieux, soyez réaliste. Visez des objectifs dans vos cordes, et une fois que vous les aurez atteints, trouvez-en d’autres. » Cela permet d’y aller step by step et de définir soi-même son niveau de contrainte.

LVE : Être Entreprise à mission peut, aussi, être un élément d’attractivité ?

Philippe Arraou : L’image et la qualité du produit ou du service, surtout dans le B2C, est évidemment essentiel pour les clients. Mais pour les salariés également, notamment les plus jeunes qui sont attachés à la qualité de vie au travail : lorsqu’il s’agit de recruter, à conditions de salaire et de travail égales, cela peut faire la différence entre deux entreprises. En France, il y a selon une étude 6 à 8 % de salariés qui sont pleinement engagés dans l’entreprise : commençons déjà par faire ce qu’on a à faire pour leur donner cette envie de s’engager.

LVE : Comment envisagez-vous l’avenir de ce statut de société à mission ?

Philippe Arraou : Il va y avoir un effet d’entraînement. C’est un sujet d’avenir qui ne fera que se développer. Je trouve simplement dommage qu’il soit susceptible de s’imposer par des réglementations et par des textes. Mais sans attendre cette contrainte, on peut déjà s’y mettre. En tant que dirigeant, on mène une équipe et on peut donner un exemple. C’est, selon moi, une question de comportement personnel dans la société, un sujet de responsabilisation devant un enjeu qui dépasse l’entreprise.

Santiago Diez

LVE : Quelle a été votre motivation pour devenir société à mission ?

Santiago Diez : Chez Arobase Intérim, nous avons mis en place une politique RSE depuis une dizaine d’années. J’étais de fait très heureux de voir arriver le concept de société à mission qui se conjugue avec la pérennité d’une entreprise : si on s’inscrit dans le temps long, inévitablement, il faut s’intéresser à cette posture. L’autre raison est relative aux personnes engagées dans l’entreprise : cela leur donne matière à être fières d’y travailler. Par ailleurs, cela correspond à ma vision de l’entreprise qui peut se développer en tenant compte des parties prenantes et de son écosystème.

LVE : Quelle est la raison d’être du groupe Arobase ?

Santiago Diez : Notre raison d’être, que nous avons travaillé durant un an avec l’ensemble de nos agences, est d’être le lien entre l’entreprise et les personnes pour contribuer au développement des hommes et à la croissance du monde. Elle n’est pas spécifique à Arobase, mais c’est malgré tout là où nous nous distinguons le plus dans les objectifs statutaires. Nous sommes en train de les affiner parce que lorsque nous nous sommes lancés sur ce projet, il n’y avait pas de modèle, aucune référence. Nous sommes d’ailleurs la première entreprise d’intérim à être déclarée société à mission en France.

Arobase

Santiago DIEZ, dirigeant du groupe Arobase © Cyril Garrabos – La Vie Economique

LVE : Comment Arobase valorise-t-il ce statut ?

Santiago Diez : Dans l’audit fait au mois de juin, on nous « reproche » de ne pas suffisamment communiquer sur l’entreprise à mission et de ne pas faire assez de prosélytisme, notamment vis-à-vis de l’extérieur. Je reconnais que c’était volontaire : je souhaite que ce soit d’abord bien intégré et incarné dans l’entreprise avant de commencer à en parler en dehors. Je ne veux pas que cela devienne un outil de communication.

LVE : Comment expliquer que seulement 1 650 entreprises en France sont sociétés à mission ?

Philippe Arraou : Parce qu’il n’y a pas d’obligation, d’une part, et parce que cela demande du temps. Ce n’est jamais une priorité. Pourtant, notamment lorsqu’il s’agit d’une entreprise de services, il y a de quoi faire sur les volets sociétal et gouvernance, et pas seulement sur le volet environnemental. Mais il est vrai qu’on touche à des choses parfois sensibles qui dépendront de l’ouverture d’esprit du dirigeant. Dans le cas de Monsieur Diez, c’est une évidence, parce qu’il remet en cause en permanence ses méthodes. Dans une entreprise où le modèle est davantage figé, cela peut-être plus compliqué.

Santiago Diez : Il est vrai que devenir société à mission modifie l’organisation de l’entreprise et fait bouger les lignes. Dans mon cas, cela n’a pas été une révolution mais tout de même une réelle réflexion. C’est un acte politique de se déclarer entreprise en mission, car c’est aussi acter le fait que l’entreprise peut être bienveillante avec ses salariés et son environnement.

Être société à mission, c’est acter le fait que l’entreprise peut être bienveillante avec ses salariés et son environnement