Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Arverne : un futur géant vert

Entré récemment en bourse, le groupe Arverne affirme son ambition de devenir le leader français de la géothermie. Pour Pierre Brossollet, son PDG, l’énergie du sous-sol a un rôle à jouer dans la transition énergétique : la PME paloise à la croissance prometteuse veut être au rendez-vous.

© Cyril Garrabos - La Vie Economique

De start-up à société cotée en bourse, il n’y aura eu qu’un pas pour Arverne, franchi seulement six ans après la création de cette entreprise spécialisée en géothermie et lithium bas-carbone. L’ascension est fulgurante et pourtant : si Pierre Brossollet, son fondateur et PDG, ne s’interdit pas de viser haut, il garde les pieds bien ancrés sur cette Terre dont le sous-sol le passionne. Depuis les bureaux du siège social, au 3ème étage du bâtiment Monge de la technopole paloise Hélioparc, ce dernier concède avoir choisi de s’introduire sur EuroNext par « nécessité » d’accélérer sa croissance et non pas « par ego ou vision courte » : « Ce n’était pas initialement dans nos plans. Mais il me fallait prendre cette décision, pour qu’Arverne, oiseau rare sur l’échiquier énergétique actuel, devienne un champion français de la géothermie. »

Complémenter les énergéticiens

Pierre Brossollet sait exactement où il veut mener sa société : si la géothermie est à ses yeux « le parent pauvre du mix énergétique », cet ingénieur pétrolier passé par Total et Maurel & Prom compte changer la donne et faire d’Arverne « un complément essentiel à tous les autres acteurs de l’énergie ». La jeune société se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire, construite sur la conviction profonde que la solution pour une transition énergétique rapide et durable se trouve sous nos pieds, dans le sol de France riche en ressources. Pour son PDG, le postulat de départ ayant conduit à la création d’Arverne est de fait limpide : « Notre combat a toujours été de dire ‘‘Arrêtons de parler d’électricité, en tout cas dans une certaine mesure, et capitalisons sur le potentiel de la géothermie qui produit de la chaleur verte’’ ».

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© Arverne

Un besoin dans le mix énergétique

« Aujourd’hui, la géothermie représente seulement 1 % de la chaleur produite en France. Personne jusqu’ici ne s’y est intéressée, encore moins les lobbys du gaz, du pétrole et voire du nucléaire qui n’avaient rien à y gagner. Désormais, nous sommes à un carrefour : on ne peut plus faire comme si de rien n’était, nous sommes face à un gros problème écologique, énergétique et financier », resitue Pierre Brossollet, qui évoque les crises énergétiques successives et la nécessité de voir émerger une filière française au nom de la souveraineté nationale. Une prise de conscience désormais partagée, selon lui, par les politiques et notamment le gouvernement qui a mis en place en février dernier un plan d’action pour accélérer le déploiement de la géothermie, mais aussi par les énergéticiens ou encore les industriels. « La géothermie est devenue un besoin dans le mix énergétique mais il n’y a aujourd’hui pas réellement d’acteurs », continue le dirigeant. « Et c’est dans ce contexte que notre groupe se retrouve sous les projecteurs : alors que la géothermie n’est pas la priorité des grosses sociétés, elle est notre métier ».

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© Arverne

Des experts du sous-sol

Née de l’expertise du sous-sol, réunissant des experts de l’oil and gas qu’ils soient géophysiciens, géologues ou encore géochimistes, l’entreprise paloise structurée en quatre filiales se targue de pouvoir intervenir sur l’ensemble de la chaîne de valeur du sous-sol, depuis l’exploitation de géothermie pour la production de chaleur, jusqu’à l’extraction et la production de lithium bas géo-thermal. Le visionnaire dirigeant aura donc anticipé la demande et, malgré « aucunes références solides et sans production de géothermie », su convaincre des actionnaires de poids. Arverne, qui pèse un peu moins de 400 millions d’euros en bourse pour une levée de fonds de 163 millions d’euros, peut désormais se déployer.

Arverne vise un chiffre d’affaires de plus de 1,150 milliard d’euros à horizon 2030.

2 milliards d’euros d’investissements

« Notre feuille de route est très ambitieuse, avec 2 milliards d’euros d’investissements prévus avant 2030, nécessaires pour couvrir l’ensemble des coûts à partir de l’instant où l’on demande un permis jusqu’au moment où l’on va vendre la ressource » reconnaît le PDG, qui évoque avant toute chose la charge salariale. A ce jour, le groupe emploie 150 salariés et prévoit l’embauche de 100 personnes supplémentaires en 2024, et d’une centaine ensuite chaque année. Ce qui induit notamment la construction (en cours) de nouveaux bureaux à Pau, mais aussi près de Strasbourg où Arverne dispose également de locaux. « D’autre part », poursuit-il, « ces investissements couvrent bien évidemment les opérations de géophysique, les campagnes d’exploration et de forage, ainsi que la construction de centrales qui représente des coûts massifs dignes d’un TotalEnergies ou d’un Engie ».

Lithium de France, filiale d’Arverne Group, livrera 25 000 tonnes de lithium à Renault sur cinq ans.

Des étapes clés

Mars 2018 : création du groupe Arverne.

Février 2020 : acquisition d’Entrepose Drilling auprès de Vinci. Renommée Arverne Drilling Services, la société est au service des autres filiales du groupe pour leurs besoins en matière de forage. En 2023, elle affichait 8M€ de chiffre d’affaires.

Octobre 2020 : création de Lithium de France pour la production combinée de chaleur décarbonée et de sels de lithium bas-carbone pour les batteries, à partir de saumures géothermales.

Novembre 2021 : série A de Lithium de France (8 millions d’euros) avec Equinor Ventures comme investisseur principal.

Février 2022 : création de DrillHeat avec Eren, filiale dédiée au forage de surface.

Mars 2023 : acquisition de GeoRhin, renommée 2gré, et de 5 permis d’exploration pour la géothermie, avec pour objectif de développer et produire de la chaleur géothermale.

Septembre 2023 : fusion avec Transition et introduction en bourse.

Première production en 2025

A ce jour, si l’activité de forage d’Arverne est déjà en marche et travaille actuellement pour des tiers, celle-ci est aux yeux de son dirigeant « un outil et non pas une finalité ». Une dizaine de permis de recherche sont en cours ou en instruction sur le territoire français, qu’il s’agisse de géothermie de surface ou bien profonde, avec ou sans extraction de lithium. « Il n’est pas exclu que l’on commence nos forages en fin d’année », dévoile Pierre Brossollet, qui cite un premier projet de géothermie profonde à horizon 2025, « type production de chaleur », dont la situation géographique est encore tenue secrète. Puis un second projet, après celui-ci, produira de la géothermie en 2026 puis en extraira du lithium dès 2027. Une fois la production en route, Arverne vise un chiffre d’affaires de plus de 1,150 milliard d’euros à horizon 2030. L’enjeu est particulièrement important pour la jeune entreprise : « Nous sommes une PME avec l’ambition d’une grosse société. Rentrer dans la sphère privée des producteurs d’énergie va nous faire atteindre certes des gros chiffres, mais avec de gros risques. Malgré tout, ceux-ci sont mesurés : d’une part parce que nous allons mettre en avant notre expertise, et de l’autre parce que nous avons le vent en poupe. » Dans ce contexte, PDG d’Arverne affiche sa confiance, également conforté par ces clients qui ont déjà fait le pari d’Arverne, parmi lesquels Renault.

Le groupe prévoit l’embauche de 100 personnes supplémentaires en 2024.

Un contrat avec Renault

Le constructeur français est non seulement entré au capital avec 30 millions d’euros et espère de fait capitaliser sur cet investissement, mais pas seulement. « Renault doit également décarboner ses usines et la géothermie est un moyen de se chauffer plus vert », évoque le PDG. « Et, par ailleurs, nous avons signé avec le groupe un contrat d’approvisionnement en lithium vert pour la fabrication des batteries de voiture électrique, à hauteur de 25 000 tonnes sur cinq ans. » Pierre Brossollet compte attirer d’autres industriels à la recherche d’une solution énergétique différente, mais aussi des collectivités pour le fonctionnement de leurs réseaux de chaleur, sans oublier des particuliers à qui Arverne proposera une « autre typologie de géothermie, qui est celle de la pompe à chaleur. » Le champ des possibles s’annonce vaste et le PDG ne manque pas de mots pour convaincre des atouts de la géothermie, outre son côté vert et français : l’énergie du sous-sol est ainsi « invisible », contrairement à l’éolien ou au solaire, « infinie » et « non intermittente », mais aussi rentable après dix ans malgré le coût de l’installation plus élevé. A ce sujet, Pierre Brossollet rétorque : « Il faut choisir son combat : nous nous adressons à des gens qui ont une vision plus longue de la problématique de l’énergie ». Et de conclure : « Une autre solution existe, ne l’oubliez pas. »

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© Arverne

Une entrée sur EuroNext remarquée

Arverne Group est officiellement entré en bourse le mardi 19 septembre 2023, signant par la même occasion la plus importante levée de fonds à la bourse de Paris en 2023, à hauteur de 163 millions d’euros. Ce jour-là, Pierre Brossollet a fait sonner la cloche d’Euronext aux côtés de Xavier Caïtucoli, Erik Maris et Fabrice Dumonteil, fondateurs de la SPAC Transition avec laquelle la société paloise avait fusionné deux mois plus tôt. Cette opération permet à Arverne de bénéficier d’une structure capitalistique renforcée avec le soutien de nouveaux investisseurs stratégiques et financiers majeurs, tels que Eiffel Investment Group, Ademe Investissement, Crédit Mutuel Equity, Sycomore Asset Management et Renault Group. A noter qu’Arverne devient la première entreprise à mission à s’introduire en bourse.

La géothermie, source de chaleur

La géothermie puise et exploite la chaleur naturelle du sous-sol, valorisée pour des installations de chauffage ou de la climatisation à usage des habitations et des bâtiments : on parle alors de géothermie de chaleur, sur laquelle Arverne se concentre, à distinguer de la géothermie électrogène pour produire de l’électricité. Sur son créneau, l’entreprise paloise développe d’une part la géothermie profonde (entre 2 500 et 3 000 m), qui consiste à aller chercher du chaud ou du froid dans les eaux géothermales, à destination des gros consommateurs comme les industriels. Certaines de ces eaux contiennent notamment du lithium, que le groupe palois a décidé par ailleurs d’extraire. D’autre part, la géothermie de surface, grâce à l’installation de sondes géothermiques forant entre 100 et 250 mètres de profondeur, a plusieurs applications possibles (chauffage, rafraichissement, eau chaude sanitaire…) qui peuvent être couplées avec d’autres énergies renouvelables. Quant à la géothermie sur aquifère, elle permet l’alimentation des réseaux de chaleur pour du chauffage, des procédés industriels ou agroalimentaire grâce au pompage de l’eau des nappes souterraine.