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Crise agricole : l’élevage piqué au vif

Avec un marché bouleversé par la propagation des maladies, la production animale a vécu une année difficile dont les répercussions pèseront sur 2024 selon les projections de Cerfrance Occitanie.

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© Lilian Cazabet - La Vie Economique

Après les bouleversements climatiques, l’envolée des prix de l’énergie et l’inflation, les éleveurs sont confrontés à une crise sanitaire qui a de sérieuses incidences tant sur leur activité que sur le commerce international. Apparue en septembre dans le Sud-Ouest, la MHE s’y est rapidement propagée et le 3 janvier dernier, 3 708 foyers de la maladie étaient localisés. Particulièrement touchés, les agriculteurs des Hautes-Pyrénées la subissent de plein fouet. Lors des journées d’action organisées la semaine dernière, les trois lettres étaient sur toutes les lèvres et un déblocage urgent des enveloppes promises par l’État était demandé. Il faut dire que s’il ne dépasse pas le centimètre, le moucheron qui transmet la maladie hémorragique épizootique aura suffi à déstabiliser le marché de la production animale, déjà malmené suivant les filières.

L’export bouleversé

Tandis qu’avec l’arrivée du vaccin contre l’influenza aviaire, celle des canards gras est sur le chemin du retour à la normale, c’est au tour des cheptels bovins de subir les affres de la MHE. La première concerne évidemment la dégradation de la santé de leurs animaux mais parmi les mesures sanitaires mises en place, l’interdiction des mouvements des vaches infectées a lourdement pesé sur l’export. D’abord suspendu, celui des broutards a dû être réorganisé suivant les règles fixées par les pays importateurs. Déjà touchée par la maladie, l’Espagne a simplement demandé l’absence de symptômes et la désinsectisation au moment du départ des animaux tandis que l’Italie s’est montrée bien plus stricte avec l’obligation d’un cheptel sain et un PCR négatif avant l’envoi sur son sol. L’Algérie, qui s’annonçait comme un marché très prometteur, a purement mis un arrêt aux importations françaises des jeunes bovins et pour les éleveurs du Sud-Ouest, dont ils sont la première production, ces fluctuations sont un énorme coup dur.

Ça laisse présager une campagne 2024 très compliquée pour ceux dont les cheptels sont atteints

La filière lait impactée

Les conséquences économiques ne sont pas encore mesurables mais elles planent lourdement dans les projections du rapport prévisionnel de production animale élaboré par Cerfrance Occitanie. Élément majeur du contexte de cette campagne, la MHE va également peser sur la filière bovin lait dont la collecte était en recul de 2,7 % sur les 9 premiers mois de l’année en France : « La maladie impacte fortement les animaux au niveau de l’alimentation puisqu’elle provoque des ulcères qui les empêchent de se nourrir. De fait, la production laitière chute ou s’arrête, on a eu un gros décrochage en septembre. Ça laisse présager une campagne 2024 très compliquée pour ceux dont les cheptels sont atteints », explique Sandrine Sabatier, chargée d’étude au sein du Cerfrance Co qui regroupe les Cerfrance du Gers, de la Haute-Garonne et de l’Ariège.

Des prix à la hausse

Un contexte sanitaire qui perturbe les projections des excédents bruts d’exploitation des différentes filières et face à une augmentation générale des intrants, de 11 % de l’alimentation et de 4 % des charges des structures, seules les aides PAC sont en baisse : « Jusqu’à présent on fonctionnait avec des aides à la vache allaitante ou laitière, avec la réforme on est sur aides à l’UGB (ndlr : unité gros bovin). Le montant unitaire a également fortement diminué, on pense que l’impact sera de l’ordre de 1 à 2 % », souligne Sandrine Sabatier. Les prix des animaux vendus l’an dernier ont continué leur progression de 12 % pour les vaches et de 14 % pour les bovins maigres : « Heureusement car les coûts de production, eux, ont nettement progressé », analyse Catherine Bigouin, chargée d’étude Cerfrance Garonne-et-Tarn. Un tableau plus nuancé pour les éleveurs ovins d’Occitanie qui sont pourtant confrontés à une autre maladie également transmise par un moucheron : la FCO.

La maladie MHE impacte fortement les animaux… De fait, la production laitière chute ou s’arrête

Baisse de la consommation des ovins

La fièvre catarrhale ovine ne présente aucune incidence sur la viande ou sa qualité ; mieux connue que la MHE, elle bénéficie d’un vaccin. Si les Hautes-Pyrénées ont été épargnées, en Occitanie, 600 foyers ont malgré tout été déclarés : « Là encore, l’effet sera beaucoup plus ressenti sur 2024 », souligne Catherine Bigouin. Pour cette région qui représente 75 % de la production nationale laitière ovine, la collecte est en progression de 1,9 %. Des résultats à confronter avec une baisse des habitudes de consommation qui touche tous les produits au lait de brebis allant de 6,10 % pour les fromages à 13 % pour les ultras frais, principalement les yaourts. Une chute conséquente que l’évolution des prix compense : « On a un prix du lait en hausse depuis plusieurs années, dans nos prévisions on part sur des hypothèses d’augmentation de 9,2 % pour le minimum à 13,2 % au maximum », ajoute la chargée d’études. Les ovins viande s’en sortent mieux, avec un prix qui progresse encore de 3,5 % et une offre limitée, les agneaux français sont rares… Mais leur consommation est également en chute. Dans un contexte général plutôt incertain, se diversifier apparaît de plus en plus comme une piste pour l’avenir des éleveurs, toutes filières confondues.