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[ Dossier Présidentielle 2022 ] Pour un big bang fiscal !

La prochaine élection présidentielle est l’occasion de faire un tour d’horizon des enjeux économiques du prochain quinquennat. Nous avons déjà abordé la politique monétaire et budgétaire, la balance commerciale, le pouvoir d’achat... Cette semaine, focus sur notre fiscalité « au bout du rouleau » : des prélèvements fiscaux et sociaux les plus élevés au monde, associés à un déficit budgétaire récurrent depuis 40 ans et un endettement public croissant. Mais des mesures sont possibles pour sortir de cette spirale infernale.

Jean-Marc FIGUET et Christian PRAT DIT HAURET, professeurs à l’Université de Bordeaux, écologique

Jean-Marc FIGUET et Christian PRAT DIT HAURET, professeurs à l’Université de Bordeaux © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

Ah, les impôts ! Lequel d’entre nous a la conviction d’en payer le « juste prix » ? Lequel d’entre nous n’est pas à la recherche d’un moyen de les « optimiser » ? Lequel d’entre nous n’a pas le sentiment que nos chers impôts sont « gaspillés » ? La politique fiscale est décidée, appliquée et sanctionnée par les pouvoirs publics. Chez nous, les sources d’imposition s’empilent instillant la désagréable impression d’un mille-feuilles fiscal : impôts sur la propriété immobilière (impôt sur la fortune immobilière, droits de mutation, taxe foncière…), impôts sur la consommation (TVA, TIPP…), impôt sur les revenus du travail, impôts sur les revenus du capital.

EFFICIENCE ÉCONOMIQUE, ÉQUITÉ ET APPLICABILITÉ

Dans l’absolu, un système fiscal doit concilier trois impératifs : l’efficience économique, l’équité et l’applicabilité. Pour l’OCDE :

  • « Premièrement, dans la mesure où la fiscalité influe sur les incitations, elle peut fausser les comportements des consommateurs, producteurs ou travailleurs d’une façon propre à nuire à l’efficience économique. »
  • « Deuxièmement, la répartition de l’incidence de la fiscalité sur la population soulève des problèmes d’équité et de justice qui jouent un grand rôle, même s’il en résulte des pertes d’efficience économique. »
  • « Troisièmement, les aspects pratiques de l’applicabilité de la législation fiscale et les coûts de respect des obligations fiscales sont importants, d’autant qu’ils influent sur l’efficience du système fiscal et sur son image d’équité auprès du public ».

RENDRE L’IMPÔT INDOLORE

Ainsi, la mise en place de la politique fiscale doit répondre à la nécessité d’obtenir des recettes pour financer les missions de service public et répondre aux objectifs d’efficience, d’équité et d’applicabilité. Il s’agit de disposer d’un système fiscal qui perturbe le moins possible les prises de décisions rationnelles des agents. Ce système optimal repose sur des bases imposables larges avec des taux d’imposition faibles afin de rendre l’impôt indolore. Malheureusement, les contre-exemples sont nombreux. Ainsi, en France, le marché automobile du neuf est bloqué car les indispensables taxes écologiques se rajoutent à la TVA. Pour certains véhicules, 25 % du prix sont alors des taxes. Résultat : le parc automobile vieillit et retarde la circulation de véhicules propres !

N’en déplaise aux keynésiens, cette dette sera transférée aux générations futures

Notre politique fiscale semble « au bout du rouleau » : des prélèvements fiscaux et sociaux les plus élevés au monde, associés à un déficit budgétaire récurrent depuis 40 ans et un endettement public croissant. N’en déplaise aux keynésiens, cette situation engendre un inévitable transfert de la dette sur les générations futures. Bien entendu, la politique fiscale ne saurait être déconnectée des fonctions régaliennes de l’État qui, selon Musgrave, doivent combiner l’allocation et la production de biens publics, l’équité et la justice distributive ainsi que la stabilité macro-économique. Le tout, guidé par une vision lockienne de l’impôt : il doit y avoir équivalence entre l’utilité que retirent les citoyens des services publics qu’ils consomment et le « prix fiscal » qu’ils acquittent.

Et puis, n’oublions pas que le contribuable français n’est pas « un perdreau de l’année », mais suit, consciemment ou pas, le fameux précepte d’équivalence de Ricardo : toute baisse d’impôts, sans baisse équivalente des dépenses publiques, ne peut avoir d’effet sur l’activité car le contribuable lambda va logiquement anticiper une hausse future de ses impôts pour rembourser la dette publique.

La révision de la politique fiscale doit contribuer à une meilleure compétitivité de l’activité économique en matière de croissance et d’emploi. Concrètement, plusieurs mesures pourraient être prises pour réformer efficacement rapidement la politique fiscale française.

1re mesure : supprimer la TVA sur les produits de première nécessité, notamment les produits alimentaires, afin de donner du pouvoir d’achat aux revenus modestes. Symétriquement, la TVA sur les produits de luxe pourrait être de nouveau fixée à 33 %. L’acheteur d’un bien de luxe n’est souvent pas à 13 % près sur le prix d’achat.

2e mesure : instaurer une nouvelle tranche marginale à 20 % qui s’intercale entre celles à 11 % et 30 % pour éviter un trop fort impact de l’impôt sur les revenus marginaux perçus par la classe moyenne.

3e mesure : supprimer les droits de mutation lors de l’acquisition d’une nouvelle habitation principale à la suite d’un déménagement dans une autre ville pour mutation professionnelle ou changement d’emploi pour fluidifier le marché de l’emploi.

4e mesure : supprimer les droits de donation pour éviter de taxer une énième fois l’épargne et faciliter la transmission du capital entre les générations.

5e mesure : supprimer tout droit de succession jusqu’à 200 000 euros par personne.

6e mesure : retirer de la base de l’IFI l’habitation principale qui a une valeur d’usage et d’utilité.

7e mesure : supprimer tous les impôts de production pour les entreprises françaises pour dynamiser leur compétitivité internationale.

Toute baisse d’impôts, sans baisse équivalente des dépenses publiques, ne peut avoir d’effet sur l’activité

8e mesure : la libre-circulation des capitaux implique une modernisation de la fiscalité. L’usage du big data doit être généralisé pour identifier (et sanctionner !) les contribuables qui essaient d’échapper à l’impôt. L’efficacité fiscale requiert une coopération, au moins européenne si ce n’est mondiale (mais ne rêvons pas !). Une fois éliminée les paradis fiscaux intra-européens, tels que le Luxembourg, taxer fortement les flux de capitaux illicites. Enfin, aux frontières de l’Europe, à l’image de la récente taxe carbone, une taxe Tobin sur les flux financiers pourrait être instaurée pour financer la transition climatique.

Pour conclure, gardons à l’esprit cette citation de Charles Dickens : « C’était sûr comme les impôts ; et çà, y a rien de plus sûr »

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