Couverture du journal du 04/03/2025 Le nouveau magazine

Gipuzkoa / San Sebastián : une stratégie de grands projets

Présidente de la Diputación de Gipuzkoa, l’une des trois provinces de la Communauté autonome basque, Eider Mendoza s’appuie sur le développement industriel pour préserver la qualité de vie de ce territoire très attractif. De son bureau du Palais de la Diputación Foral de San Sebastiàn où elle nous a reçus, elle nous explique en exclusivité comment le Gipuzkoa mise sur l’innovation avec d'incroyables projets d’envergure internationale.

Eider MENDOZA, présidente de la Diputación de Gipuzkoa Eider Mendoza, Présidente de la Diputación de Gipuzkoa

Eider Mendoza, présidente de la Diputación de Gipuzkoa© Louis Piquemil – La Vie Economique

La Vie Economique : Comment se partage le pouvoir entre les trois provinces et la Communauté autonome basque ?

Eider Mendoza : « Les compétences de ces institutions sont bien réparties. Le Gouvernement basque administre essentiellement la santé, l’éducation, l’industrie, la police basque. À la différence du système administratif et institutionnel français, les gouvernements du Gipuzkoa, de Biscaya et d’Álava décident des taux d’imposition des familles et des entreprises et en assurent la collecte. Cela confère de l’importance à ces institutions. Nos compétences les plus importantes sont donc les impôts, les services sociaux qui représentent 50 % de notre budget, l’entretien et le développement du réseau routier. »

LVE : Et le développement économique ?

E. M. : « C’est une compétence du Gouvernement basque mais, via une stratégie commune, nous nous sommes attribué la compétence de promotion de l’économie. Ainsi, en concertation avec l’ensemble des partenaires économiques, nous avons par exemple développé une stratégie spécifique pour le secteur de la mobilité qui génère 35 % du produit intérieur brut de l’industrie du Gipuzkoa. Comme ce secteur est en pleine mutation, il faut l’accompagner. »

« Les entreprises du Gipuzkoa bénéficient de déductions fiscales pour la recherche »

LVE : Et comment l’accompagnez-vous ?

E. M. : « Pour un budget de 21,9 millions d’euros, le Gipuzkoa finance, dans la zone industrielle d’Eskusaitzeta à San Sebastián, la construction du centre MUBIL dédié à la mobilité du futur. De plus, un terrain de 40 000 m2 a été acquis pour accueillir des centres technologiques et des entreprises liés au développement de cette mobilité durable, électrique, autonome et connectée. Un investissement public-privé supplémentaire de plus de 30 millions d’euros est prévu. Ce sera la seule infrastructure de ce type dans le sud de l’Europe. »

LVE : Quels sont les autres projets stratégiques ?

E. M. : « Quantum qui est un projet également partagé avec le Gouvernement Basque et la Mairie de San Sebastián, des entreprises, des agents socio-économiques. Le sixième supercalculateur quantique IBM va être installé à San Sebastián. Notre écosystème a convaincu IBM d’y installer sa deuxième machine en Europe. Ce nouveau hub des technologies quantiques devrait être opérationnel au début de l’année prochaine. Ce projet aura un investissement conjoint des institutions basques de 120 millions jusqu’en 2028. Nous ne savons pas exprimer précisément ce que ce super ordinateur engendrera en termes de recherche mais nous savons que nous devons nous inscrire dans ce projet. »

© D. R.

LVE : Comme la moitié du budget de la Députation est consacrée au social, quels sont les principaux investissements dans ce domaine ?

E. M. : « Nous développons toute une stratégie sur la prévention de la santé des personnes âgées. En 2050, la moitié de la population du Gipuzkoa aura plus de 55 ans. Aujourd’hui, une personne sur trois de plus de 55 ans se sent isolée sans qu’elle vive forcément seule. En Gipuzkoa, nous avons une espérance de vie de 85 ans. À Pasaia, la Diputación investit 66,4 millions d’euros dans la construction du centre Adinberri comprenant une résidence pour personnes âgées, un laboratoire de recherche lié au vieillissement en bonne santé et à l’innovation des soins aux personnes âgées, des espaces pour des entreprises du secteur de la silver économie. Les travaux seront terminés fin 2026 mais la stratégie est déjà lancée car nous transformons actuellement notre modèle de soins dans 30 Ehpad sur les 65 que compte le Gipuzkoa. »

« Notre écosystème a convaincu IBM d’y installer sa deuxième machine Quantum en Europe »

LVE : Avec 2,75 % du produit intérieur brut des entreprises destiné à la recherche, le Gipuzkoa se distingue. Pour quelles raisons ?

E. M. : « Ce chiffre est bien au-dessus de la moyenne européenne. Les entreprises bénéficient de déductions fiscales pour la recherche. Le Gipuzkoa est un territoire très industriel. Cela nous permet de réduire les inégalités puisque nous sommes le troisième territoire en Europe avec le moins d’inégalités selon l’indice Gini. Mais ce n’est pas non plus un paradis et nous devons poursuivre nos efforts. »

LVE : Le Gipuzkoa dispose-t-il de nombreuses réserves foncières pour le développement économique ?

E. M. : « C’est justement l’un de nos problèmes car beaucoup d’entreprises souhaitent s’installer ici et notamment pour participer au projet GANTT (Gipuzkoa Advanced New Therapies Territory). Les institutions basques ont libéré des espaces sur la zone industrielle d’Eskusaitzeta pour accueillir des entreprises. Mais notre défi le plus important est d’attirer des personnes voulant travailler ici. Notre démographie est de 1,2 enfant par femme, nous avons besoin d’immigration pour tout type d’emplois et dans tous les secteurs. »

Le centre Adinberri à Pasaia avec un laboratoire de recherche sur le vieillissement en bonne santé des personnes âgées. © D. R.

LVE : C’est au Gipuzkoa qu’est né le groupe coopératif Mondragon qui emploie aujourd’hui 70 000 personnes. Qu’est-ce que cela symbolise ?

E. M. : « Nous sommes un pays et un territoire basés sur la communauté. L’un des aspects du plan stratégique développé pour ce mandat est le sens des projets. Mondragon a vraiment du sens, c’est l’une des raisons pour lesquelles les niveaux de développement industriel, de bien-être et d’égalité sont si importants chez nous au Pays basque. »

« Notre défi le plus important est d’attirer des personnes voulant travailler ici »

LVE : Après votre élection en juin 2023, vous avez rencontré Jean-René Etchegaray (maire de Bayonne et président de la Communauté d’agglomération du Pays Basque) pour relancer la coopération avec vous. Mais entre Eurocité, Euro région, Bihartean et Ideiak, vous coopérez avec plusieurs structures, quels sont les axes forts de la coopération transfrontalière ?

E. M. : « J’avoue qu’institutionnellement nous sommes très différents et cela ne nous facilite pas la tâche mais il y a une vraie volonté de travailler ensemble. Il y a des projets bien identifiés comme Ideiak ou EuroVelo mais nous pouvons faire un pas en avant dans certains projets comme celui du living lab des autoroutes. Nous voulons expérimenter des autoroutes intelligentes transfrontalières en collaboration avec Atlandes, concessionnaire français de l’A63 dans les Landes. C’est compliqué car ce n’est pas le département ou la Communauté d’agglomération mais l’État français qui décide des partenaires de ce living lab. »

LVE : Un projet de coopération transfrontalière et de développement économique à évoquer ?

E. M. : « Vous avez cité Bihartean et cela m’intéresse particulièrement parce que le nord du Portugal, la Galice, la Cantabrie, le Pays basque sud, le Pays basque nord (mais pas tout le département des Pyrénées-Atlantiques) avons demandé à avoir notre propre infrastructure ferroviaire et à parler d’une seule voix. C’est une collaboration créée avec les chambres de commerce. »

LVE : Et le TGV avec la construction des lignes à grande vitesse reliant les trois capitales de la Communauté autonome basque à la frontière française ?

E. M. : « Le TGV pour nous, c’est la connexion avec Paris et Madrid. C’est un projet qui a pris beaucoup de retard et nous perdons des opportunités de compétitivité. »

LVE : Un message à adresser aux lecteurs de La Vie Economique du Sud-Ouest ?

E. M. : « Le Gipuzkoa est un territoire qui fait beaucoup d’efforts pour conserver son niveau de bien-être et celui-ci est dû à l’industrie. Sans parler d’installation ici, toutes les entreprises qui veulent collaborer avec nos projets stratégiques sont les bienvenues. Seuls, nous n’aurions jamais réalisé nos projets. »

Le Gipuzkoa en chiffres

Capitale : San Sebastián

1 129,4 millions d’euros de budget de la Diputación de Gipuzkoa
73,4 millions pour la promotion économique et des projets stratégiques par la Diputación en 2024
707 000 habitants
24 %
d’emplois dans l’industrie

Eider Mendoza : Bio express

Née le 16 avril 1974 à Azpeitia, Eider Mendoza s’est engagée au Parti nationaliste basque (PNV), parti modéré de centre droit à l’âge de 16 ans « principalement en faveur de la paix et parce que je suis abertzale », explique-t-elle. Après ses études en sciences de l’entreprise à l’École de Commerce Européenne (ECE) à Bordeaux, elle a travaillé dans l’industrie puis a été élue députée au Parlement basque pour la circonscription du Gipuzkoa à l’âge de 26 ans. Présidente de l’assemblée du Gipuzkoa (2015-2019) puis porte-parole de son gouvernement (2019-2023), elle a été élue présidente de la Diputación Foral de Gipuzkoa en juin 2023. Première femme à ce poste, Eider Mendoza parle couramment le français, le castillan, le basque et l’anglais. Avec un tempérament aussi tonique qu’affable, cette élue de conviction a deux credo : le développement économique et la communauté.