Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Industrie de la chaussure : Chamberlan renaît

Depuis 2017, Chamberlan a fait le pari d’une chaussure de luxe, sur mesure et abordable, en misant sur l’industrie et le digital. Après une période d’arrêt pendant la pandémie, la marque est en pleine renaissance.

Chamberlan

© Loïc Mazalrey - La Vie Economique

Dans leurs nouveaux locaux de Saint-Martial-de-Valette, les ouvriers de Chamberlan sont à pied d’œuvre. Dans ces ateliers de 1 000 m², anciennement occupés par Hermès, l’entreprise conçoit de A à Z des chaussures pour femmes sur mesure. Via une application, il est possible de mesurer son pied et de choisir chaque élément de personnalisation de la chaussure : couleur, hauteur de talon, matières… « Seule une dizaine de bottiers proposent des produits sur mesure et ce sont des artisans avec des délais d’un à trois ans, avec des prix très élevés allant de 2 000 à 4 000 euros pour des entrées de gamme », note Sophie Engster, cogérante avec Franck Le Franc. Le duo d’entrepreneurs a donc décidé de miser sur une digitalisation et une industrialisation de la production pour un rendu sur mesure et plus accessible.

Aidés par un grand maître bottier

Ce projet est parti d’une rencontre et d’un constat… Dans une crèche, en 2015. Sophie Engster travaille alors à Paris pour de grandes marques de luxe telles que LVMH, Givenchy, Dior… Businesswoman haut perchée sur ses talons, elle croise la route de Franck Le Franc lorsqu’ils vont récupérer leurs enfants, qui lui glisse une remarque qui fait mouche : comment est-ce encore possible de faire porter aux femmes des chaussures qui les font autant souffrir ? De cette idée, le binôme, et Chamberlan, sont nés. Après de longues années de R&D, une vingtaine de versions différentes, et l’aide d’un grand maître bottier d’une marque de chaussure de luxe, le soulier idéal pour Sophie Engster et Franck Le Franc est né. « Tout s’est fait par hasard, je l’ai reconnu dans la rue, et il nous a dit qu’il venait de quitter cette célèbre maison la veille. On a déjeuné avec lui, il est venu à l’atelier et ensuite il est venu toutes les deux semaines pendant trois ans », relate Sophie Engster. La marque est lancée commercialement en 2017. « Nous choisissons les mêmes fournisseurs que Louboutin, Hermès ou même Chanel. » Franck Le Franc s’occupe de la partie gestion, organisation et production tandis que Sophie Engster gère la partie marketing, communication ou encore commerciale.

Plus de 200 opérations sont réalisées sur les chaussures. Et la marque propose une vingtaine de modèles qui se déclinent et se personnalisent

© Loïc Mazalrey – La Vie Economique

90 % de prêt-à-porter personnalisable

Pour leur installation, les partenaires atterrissent en Dordogne. « Nous voulions un lieu où il y avait le savoir-faire de la chaussure française, et nous avons été très bien accueillis ici. » Sophie Engster et Franck Le Franc investissent 200 000 euros dans le projet, soutenus par des investisseurs. Mais pour les clientes, l’envie de voir le produit est plus forte. « On les recevait dans nos bureaux à Paris, et certaines femmes, surprises par le confort dans notre chaussure de base en taille 37, ne voulaient même pas de sur-mesure », se remémore la cofondatrice. Alors Chamberlan lance aussi sa gamme de prêt à porter personnalisable. Désormais, cette formule représente près de 90 % des ventes, et le sur-mesure 10 %. La marque ouvre donc une boutique à Paris, en novembre 2019.

14 salariés

Pour réaliser ces chaussures, Chamberlan s’est doté de 14 salariés, dont 8 aux ateliers, qui réalisent plusieurs tâches dans la réalisation d’une paire. Du découpage du cuir à la couture en passant par le collage et l’assemblage, les missions sont variées. Plus de 200 opérations sont réalisées sur les chaussures. Et la marque propose une vingtaine de modèles qui se déclinent et se personnalisent. À l’image de leur chaussure best-seller : la Cabourg. Seulement les grèves contre la réforme des retraites mettent à mal la boutique, et la pandémie force à la fermeture. Sophie Engster, qui débutait le développement de Chamberlan en Chine, voit tous ses espoirs annihilés. Les mariages, fonds de commerce du chausseur, sont tous annulés. La marque enchaîne les problèmes, jusqu’au placement en redressement judiciaire en février 2023. « Mais nous n’avons pas eu un jour de fermeture, car la société a été reprise par un pool d’actionnaires », insiste Sophie Engster. Tous les emplois ont été préservés.

Des marchés aux États-Unis et en Espagne

Grâce à leurs business angels, et les 500 000 euros de capital apporté, Sophie Engster et Franck Le Franc, ont fait renaître le phénix de ses cendres, et regardent vers l’avenir. Depuis août 2023, Sophie Engster est retournée deux fois en Chine pour tenter de relancer des partenariats et « trouver des boutiques revendeuses ». « Nous avons aussi des pistes plus récentes vers les États-Unis et l’Espagne », souffle-t-elle. Et ajoute : « Ça aurait été dommage de tout arrêter, car tout repart ». Chamberlan a même ouvert un concept-store à Paris, La Chambre, à deux pas de la mythique place Vendôme, avec les produits de la marque et ceux d’une quinzaine d’autres. Avec ce second souffle, l’entreprise espère continuer de chausser confortablement de nombreux pieds.