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L’économie bien orientée en 2022

L’activité néo-aquitaine a retrouvé son niveau d’avant-crise dans la plupart des secteurs au 3e trimestre 2021. Ce rattrapage devrait laisser place à un ralentissement en 2022 en raison de l’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie, et des lourdes difficultés à recruter sur le territoire. Le point secteur par secteur avec l’enquête annuelle de la Banque de France et le Baromètre éco de la CCI Bordeaux-Gironde.

Nathalie Wong-So, Jacky Phillips, Patrick Seguin, Denis Lauretou, Sandra Claeys, Philippe Rondot, Marie-Ange Gay-Ramos et Eric Bergman, le 8 février dernier

Nathalie Wong-So, Jacky Phillips, Patrick Seguin, Denis Lauretou, Sandra Claeys, Philippe Rondot, Marie-Ange Gay-Ramos et Eric Bergman, le 8 février dernier © Banque de France

Avec une croissance du PIB de 7 % l’année dernière, liée à l’effet de rattrapage qui a fait suite au décrochage historique de 2020 (- 8 %), l’économie française s’est bien portée en 2021, avec une très forte dynamique entrepreneuriale dans le pays. Et cela en dépit de la désorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, de l’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie, et des difficultés à recruter. Trois écueils qui touchent l’ensemble des secteurs, auxquels se sont ajoutées la poursuite de la pandémie, une tendance inflationniste et une explosion de la dette publique française, « qui a augmenté sous l’effet du Quoiqu’il en coûte, alors même que le taux d’endettement structurel préexistant était déjà très élevé », prévient en introduction de la présentation de son enquête annuelle de conjoncture (1) Denis Lauretou, directeur régional de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine, le 8 février dernier. Un ensemble d’éléments qui devraient, couplés aux tensions géopolitiques et internationales, peser sur l’économie française en 2022, avec une croissance du PIB attendue de 3,6 %, contre 4 % en Europe et dans le monde.

En Nouvelle-Aquitaine, la plupart des secteurs ont retrouvé leur croissance d’avant crise dès le troisième trimestre 2021, selon la Banque de France, et l’activité devrait continuer de progresser en 2022. « Le territoire est toujours attractif. Le nombre d’entreprises en Gironde entre 2016 et 2022 a fortement augmenté, passant de 78 000 à 100 500 entreprises sur le département », confirme Philippe Seguin, président de la CCI Bordeaux-Gironde, venu présenter son Baromètre économique trimestriel (2) aux côtés de la Banque de France à la Station Ausone de la librairie Mollat le 8 février dernier.

Entre 2016 et 2022, la Gironde est passée de 78 000 à 105 000 entreprises

L’INDUSTRIE BONDIT

Dans le détail, l’industrie néo-aquitaine a connu un rebond d’activité de près de 10 % en 2021. La croissance estimée de ce secteur en 2022 est de 6,6 %, « une légère dégradation due aux répercussions sur les prix des difficultés d’approvisionnement et de la hausse des prix des matières premières », précise Jacky Philips, chef du département des entreprises et activités économiquesà la Banque de France de Nouvelle-Aquitaine. En Gironde, l’industrie s’est relevée au fil de l’année, « mais on constate que les marges se sont fortement réduites, avec une très légère amélioration espérée pour le premier trimestre 2022 », précise Nathalie Wong-So, chef de projet études à la CCI Bordeaux-Gironde. Le secteur de l’industrie, pour lequel est venue témoigner Sandra Claeys, directrice des process financiers du groupe Bénéteau (leader français des voiliers) et représentante régionale de la Fédération des industries nautiques, qui malgré la crise Covid, la crise de la supply chain, une cyberattaque et d’importantes difficultés à recruter, l’affirme : « les chantiers se portent bien, grâce à un regain d’intérêt pour le bateau ! ».

1.L’enquête annuelle de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine a été réalisée en décembre et janvier auprès d’un échantillon de 3 500 entreprises et établissements représentant 260 000 emplois.

2.L’enquête trimestrielle de la CCI Bordeaux-Gironde repose sur un solde d’opinions de 608 chefs d’entreprises girondins.

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L’INFORMATIQUE SURPERFORME

Le secteur des services marchands, qui représente environ 20 % des entreprises et effectifs néo-aquitains, a lui aussi enregistré un bond d’activité de près de 10 % en 2021, qui devrait se poursuivre en 2022 avec une projection à + 4,2 %. Tiré par les activités informatiques, les activités juridiques, comptables, architectes et ingénieurs, par l’intérim, mais également par l’hébergement, qui a explosé en 2021 après les fermetures de 2020, « le secteur des services marchands reste moins impacté par la hausse des prix, et surtout, elle est plus facile à répercuter sur le prix des prestations », note Jacky Phillips.

Selon la CCI Bordeaux-Gironde, qui inclut dans les services la restauration et les entreprises de moins de 3 salariés (plus de 70 % du panel), l’activité enregistre « une forte chute au dernier trimestre 2021, avec un effondrement de la trésorerie. Les chefs d’entreprise sont pessimistes dans ce secteur pour 2022 », ajoute Nathalie Wong-So, qui précise qu’ils avaient été interrogés après un nouveau train de mesures sanitaires. Une situation délicate confirmée par Philippe Rondot, président de Co-Nect et coprésident de l’Union des métiers de l’événementiel de Nouvelle-Aquitaine (Umena), constituée à la faveur de la crise. « L’effet dévastateur » de cette dernière ayant entraîné « une évolution nécessaire des métiers de l’événementiel », avec notamment l’irruption du digital

APPELS D’OFFRE INFRUCTUEUX

Le secteur de la construction, quant à lui, enregistre le plus fort rebond d’activité en Nouvelle-Aquitaine avec une croissance de la production de 13 % en 2021, qui devrait se poursuivre mais de façon bien moindre en 2022 à + 2,4 %. En dépit de difficultés de recrutement structurelles persistantes, de la hausse des coûts et de l’allongement des délais d’approvisionnement, « les carnets de commande sont à un niveau historiquement haut », observe Jacky Phillips. La CCI Bordeaux-Gironde constate même « des perspectives d’embauches pérennes pour 2022 », selon Nathalie Wong-So.

Les chefs d’entreprise du secteur marchand sont pessimistes pour 2022

Néanmoins, plusieurs ombres planent au-dessus du secteur, « dont l’activité reste encore inférieure de 5 % au niveau de 2019 », annonce Marie-Ange Gay-Ramos, directrice générale d’Etrelec et présidente de la Fédération française du bâtiment (FFB) pour la Nouvelle-Aquitaine. Tout d’abord, « l’attractivité des métiers du bâtiment est un problème depuis toujours, c’est pourquoi nous allons travailler avec Pôle Emploi et lancer une campagne nationale avec la FFB pour revaloriser nos métiers, qui ont besoin de jeunes motivés », insiste-t-elle. D’autre part, les difficultés cumulées ne permettent pas de répondre aux appels d’offre des collectivités, qui sont nombreux à rester infructueux, ce qui devrait entraîner un creux d’activité ensuite. Rien d’alarmant pour Marie-Ange Gay-Ramos, qui le rappelle : « le bâtiment est une activité cyclique ».

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Les grands témoins invités à la présentation à la station Attvusone de la librairie Mollat, à Bordeaux © Banque de France

FORT RALENTISSEMENT EN 2024

Le secteur du commerce, enfin, termine l’année 2021 en demi-teinte, les chefs d’entreprises anticipent donc une reprise de la fréquentation en 2022, selon le Baromètre économique de la CCI Bordeaux-Gironde. Le secteur viti-vinicole s’est pour sa part très bien porté, avec une reprise des exportations. Vers la Chine, tout d’abord, « devenue numéro un de nos clients à l’international avec une progression de 42 % des exportations en valeur en 2021 » ; mais également vers les États-Unis, « deuxième marché pour les vins de Bordeaux, grâce à la suppression des taxes Trump », détaille Éric Bergman, directeur général de Baron Philippe de Rothschild SA, plus gros employeur viti-vinicole du Médoc, avec 350 à 450 collaborateurs. Qui attend impatiemment la semaine des primeurs, « pour connaître l’avis des critiques sur le millésime 2021 », qui malgré les aléas météorologiques (gel, grêle, pluie…) « est déjà une bonne surprise ».

Les carnets de commande dans la construction sont à un niveau historiquement haut

Dans l’ensemble, 8 dirigeants girondins sur 10 restent confiants quant à l’avenir de leur entreprise, selon la CCI Bordeaux-Gironde. À plus long terme en revanche, les nombreux facteurs d’incertitude qui persistent devraient entraîner un fort ralentissement de l’activité nationale à partir de 2024, selon la Banque de France, avec une projection de croissance culminant à seulement 1,4 %, « ce qui est trop faible pour régler les deux problèmes structurels du pays : son endettement et son taux de chômage », analyse Denis Lauretou. Les secteurs de la transition écologique et de la transformation digitale, la mobilisation de l’épargne des ménages vers la consommation intérieure et l’abaissement du seuil de résistance du chômage, grâce à une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emplois, pourraient cependant avoir la capacité de tirer la croissance, selon lui.

DETTE DES ENTREPRISES ET PGE

Selon une récente étude de la Fédération française bancaire, 66 % des entreprises qui ont bénéficié d’un PGE ont choisi de l’amortir sur 4 à 5 ans, leur remboursement n’interviendra donc que d’ici 2026. De plus, des dispositions entrées en vigueur le 15 février prévoient des aménagements spécifiques et un allongement de la durée de remboursement jusqu’à 4 années supplémentaires pour certains PGE accordés aux TPE. Dans le cadre de son accompagnement de sortie de crise, la Banque de France a par ailleurs identifié que 14 % des entreprises connaissaient un endettement en hausse et une baisse de leur trésorerie. Mais la moitié « reste dans une situation financière satisfaisante », indique Denis Lauretou, qui estime à 6-7 % la part des entreprises véritablement susceptibles d’avoir des difficultés à rembourser leur PGE.

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