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Les vigies de l’Atlantique

Observer l’océan pour analyser la qualité de l’eau, identifier les déchets flottants, anticiper les aléas climatiques et étudier l’énergie de la houle sont les missions de Rivages ProTech. Dirigé par Laetitia Jourdan, ce centre du groupe Suez développe une expertise vitale pour le littoral basque.

Agnès Petrau et Laetitia Jourdan Vigies

Agnès Petrau et Laetitia Jourdan ©Louis Piquemil – La vie économique

La directive européenne des eaux de baignade de 2006 a notamment imposé aux communes d’analyser leurs eaux de baignade via des incubations de 24 et 48 heures. Mais en cas de pollution bactériologique engendrée soudainement par de fortes pluies saturant les réseaux d’assainissement, les communes doivent avertir en quelques heures sur d’éventuels risques pour la santé. C’est pour leur fournir un service d’analyse rapide que le groupe Suez a créé Rivages ProTech à Bidart. Capable d’analyser les eaux de baignade en 3 heures, ce centre d’expertise technique et scientifique s’appuie sur des prélèvements quotidiens, de la biologie moléculaire et des modélisations numériques. Rivages ProTech permet ainsi aux 8 communes littorales de la Côte basque de prévoir la qualité de leurs 35 zones de baignade en tout début de journée, une information vitale en saison estivale.

Rivages ProTech permet aux 8 communes littorales de la Côte basque de prévoir la qualité de leurs 35 zones de baignade

La qualité des eaux de baignade anticipée chaque jour en saison estivale ©V.Biard

Une équipe scientifique multidisciplinaire

Avec l’évolution des besoins des collectivités, les prestations de Rivages ProTech se sont étendues. « C’est un centre assez atypique et hybride qui s’occupe de surveillance et de prévisions pour aider les collectivités à gérer les milieux aquatiques et en particulier les littoraux soumis à une forte urbanisation et à des aléas climatiques », résume Laetitia Jourdan, responsable des opérations de cette structure. Agnès Petrau pour la surveillance du milieu et l’analyse environnementale, Matthias Delpey pour la recherche et développement, Pierre-Jean Pouyssegur pour la modélisation prédictive en sont les autres responsables. Ils encadrent une douzaine d’ingénieurs et docteurs en microbiologie, océanographie civique, mathématiques appliquées, analyse de données, environnement, hydraulique ou hydrodynamique côtière.

Des études et des prestations de plusieurs années

Une soixantaine de projets est traitée annuellement par Rivages ProTech pour un volume d’activités de 2,4 millions d’euros. Chaque projet dure de 3 à 5 ans avec des prestations continues comme la surveillance des eaux de baignade et l’anticipation des risques côtiers. En complément de ces services, Rivages ProTech développe 30 à 40 % de projets innovants collaboratifs associant les autorités publiques, la recherche académique, des associations et des industriels. « Notre originalité et notre force résident dans cette logique d’innovation collaborative, dans notre capacité à fédérer et rendre cohérentes les contributions de chacun, à être le transfert entre la recherche et le service », atteste Laetitia Jourdan. Les technologies développées par Rivages ProTech sur le littoral basque sont maintenant utilisées partout en France par le groupe Suez et s’exportent aussi au Maroc.

Les technologies développées par Rivages ProTech sur le littoral basque sont maintenant utilisées par le groupe Suez partout en France

La Côte basque de Guéthary à Saint-Jean-de-Luz ©DR

Des outils contre les pollutions

Mais à la pollution bactériologique engendrée par les déversements des cours d’eau et les fortes pluies s’ajoutent les macrodéchets marins. Issus de l’activité humaine, flottant en surface ou immergés, ces macro déchets visibles à l’œil nu sont une pollution supplémentaire pour le littoral basque et bien d’autres rivages partout dans le monde. « Rivages ProTech observe la dynamique de ces déchets via des techniques de modélisations, la surveillance des fleuves par vidéométrie, la surveillance depuis le ciel par imagerie satellitaire en partenariat avec la société Telespazio », explique Laetitia Jourdan. Lancée en 2016 dans le cadre d’un programme européen, cette étude s’est ensuite prolongée par une prestation de Rivages ProTech pour les collectivités territoriales du Pays basque. Celles-ci peuvent optimiser la collecte de ces déchets et, bien sûr, essayer d’en limiter la prolifération.

Toujours plus de données

Les données environnementales enregistrées par Rivages ProTech depuis la création du centre en 2006 sont précieuses. Elles sont enrichies par des données achetées ou récupérées gratuitement. « Plus nous avons de données, mieux c’est. L’océan est finalement assez très peu exploré. Le défi c’est la production d’analyses plus rapides et plus fiables », certifie Agnès Petrau, responsable de la modélisation chez Rivages ProTech. « Nous développons de nouveaux outils principalement basés sur l’intelligence artificielle pour compléter nos modèles déterministes d’afin améliorer nos prévisions et adresser nos différentes thématiques », précise-t-elle. Parmi les études en cours de Rivages ProTech figure l’énergie houlomotrice. Toujours en collaboration avec des collectivités territoriales, d’autres centres de recherches et des industriels, l’idée est d’exploiter un jour la force des vagues.

L’Ostreopsis à l’étude

Apparue de manière importante dans les criques rocheuses du littoral basque en 2021, l’Ostreopsis est une algue tropicale déjà présente en Méditerranée depuis une vingtaine d’années. Cette microalgue invisible à l’œil nu possède une substance toxique qui provoque des irritations respiratoires et cutanées chez des baigneurs, surfeurs et plongeurs mais aussi chez les usagers des bords de mer.
En 2021, quelques plages de la Côte basque avaient été fermées pour plusieurs jours. Un contrat de recherche a été signé entre la Communauté d’Agglomération du Pays Basque, l’IFREMER et Rivages ProTech pour étudier l’Ostreopsis arrivée sur le littoral Basque. Si dans les eaux tropicales, sa présence se régule naturellement ce n’est pas le cas en métropole où le réchauffement climatique serait responsable de sa prolifération. Avec le Liga, cette boue qui obstrue les filets des pêcheurs et raréfie le poisson, les eaux du littoral basque nécessitent de l’attention.