Quand Lionel Osmin, associé à l’œnologue Damiens Satori et à Benoît Vetorel, lance Lionel Osmin & Cie en 2010, les encouragements sont rares à en croire le dirigeant. Ils sont alors bien peu à être convaincus par cette affaire de négoce de vins du Sud-Ouest, tant la niche est niche et le marché dominé par les « grandes » appellations. Quatorze ans plus tard, depuis son bureau au n° 9 de l’avenue Ada-Byron à Pau, ce Béarnais fils de bijoutier-horloger peut se féliciter d’y avoir cru. Aujourd’hui, sa société affiche 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, commercialise 2 millions de bouteilles par an et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, se donnant les moyens de ses ambitions.
Une variété de cépages unique
En 2010, à l’aube de cette aventure entrepreneuriale, d’ambition il est déjà question dans l’esprit de Lionel Osmin. Même si lui préfère la qualifier de « rêve » : « Nous souhaitions contribuer à la reconnaissance et la valorisation du bassin viticole du Sud-Ouest riche d’une variété ampélographique unique en France : il n’y a pas une seule région où l’on trouve autant de cépages natifs. Nous voulions qu’ils soient reconnus à leur juste valeur ». À l’époque exportateur dans le vin, il constate une « internationalisation des cépages français » et en parallèle, sent une appétence des consommateurs avertis pour des vins « différents, avec de la personnalité, éloignés des vins stéréotypés et standardisés ».
« Nous allons engager une démarche d’amélioration agroécologique »
Des vins distingués et accessibles
Forts de ce constat et confiants, les trois hommes « ni fils de propriétaire, ni fortunés » vont à la rencontre des viticulteurs locaux, d’abord sur les appellations Gaillac, Gascogne, Jurançon, Madiran et Fronton-Cahors. « Nous voulions travailler la meilleure matière première possible : nous leur avons proposé d’acheter leurs raisins et de les vinifier chez nous pour créer nos propres cuvées », resitue le quadragénaire. Ces « vins d’aujourd’hui mais avec des cépages historiques, distingués et accessibles » plaisent et se distinguent dès les premiers mois. Lionel Osmin & Cie vend 45 000 bouteilles de frontons à la compagnie aérienne Cathay Pacific, ouvre un marché au Québec avec un vin de Gascogne et en août 2011, moins d’un an après sa création, figure dans le guide de la Revue des Vins de France.

Florian ABADIE, Damiens SATORI, Lionel OSMIN, Fabrice DUBOSC, associés au sein de Lionel Osmin & Cie © Cyril Garrabos – La Vie Economique
Négociant de l’année en 2015
« Nous avons constitué une équipe et un réseau de distribution en France et nous avons réussi à convaincre des importateurs à l’étranger, continue Lionel Osmin. Et puis nous avons sorti des cuvées qui ont très bien marché, comme La Villa Chambre d’Amour, La Vie en Rose ou encore Pyrène. » Le négociant continue à se faire connaître et maintient sa barque jusqu’à un tournant, en 2015, quand l’entreprise reçoit le prix de Négociant de l’année par la Revue du Vin de France. Concomitamment, elle atteint l’équilibre financier et son modèle économique devient pérenne. « Nous avons commencé à être pris au sérieux par ceux qui pensaient que ça ne marcherait jamais », sourit Lionel Osmin. Dans le même temps, le chef d’entreprise décide, sous ses bons auspices, de lancer Les Passeurs de vin, une maison d’importation de vins étrangers créée avec Imanol Harinordoquy. Un projet annexe parmi d’autres nés depuis, à l’image des Brasseurs Unis.
« Avant de vendre mon vin, je vends le Sud-Ouest. »
45 salariés
L’entreprise rachète ensuite des propriétés viticoles pour assurer ses réserves : Fronton, Marcillac, Jurançon ou encore Madiran sont ainsi ses terrains de jeux. De négociant à vigneron, il n’y a semble-t-il qu’un pas pour Lionel Osmin, qui se refuse à entrer dans des cases. « Je ne suis pas dogmatique », s’anime-t-il à l’évocation de ce côté multicasquette. « Je vis très bien avec l’étiquette de négociant comme avec celle de viticulteur. En fait, ça n’a strictement aucune importance. » Le quadragénaire se désole de constater combien le monde viticole ne cesse de se diviser, compartimenté entre producteurs, viticulteurs, négociants et coopératives, lui qui évoque souvent la force du collectif. Un état d’esprit dont témoigne la structuration du groupe béarnais : s’il est actionnaire majoritaire, Lionel Osmin est désormais entouré de 5 associés et 45 salariés.

© Clément Herbaux – Lionel Osmin & Cie
La moitié des volumes à l’export
Les débuts du trio semblent définitivement bien loin alors que Lionel Osmin nourrit de « gros » projets. Avec l’entrée au capital du fonds VitiREV Terradev, coordonné par la Nouvelle-Aquitaine et géré par Calao Finance, la PME paloise investit 1,5 million d’euros pour son développement. « Nous allons engager une démarche d’amélioration agroécologique, sécuriser les approvisionnements en investissant dans le vignoble et développer notre présence sur les marchés, en France et à l’étranger », dévoile le dirigeant. Sur ce dernier sujet, un salarié vient d’être embauché aux États-Unis et un bureau a été installé à Tokyo. Le Béarnais, dont la société exporte pourtant la moitié de ses volumes, constate combien le Sud-Ouest demeure confidentiel : « Nous avons des cépages, des terroirs, des patrimoines, de la culture, des savoir-faire… Lionel Osmin & Cie est le reflet de tout ça : avant de vendre mon vin, je vends le Sud-Ouest ».

© Clément Herbaux – Lionel Osmin & Cie
Un 100/100 Parker pour Clos Joliette
Le Clos Joliette, en Jurançon, racheté par Lionel Osmin & Cie en 2017, a décroché en mars dernier un 100/100 Parker pour son millésime 2001. Les millésimes 2018 et 2020 ont également été distingués, avec une note de 98/100. Une reconnaissance exceptionnelle, seulement décernée six ou sept fois par an en France, que le chef d’entreprise sait apprécier tout en rappelant que « ce sont les vins du Clos Joliette, des vieux millésimes qui l’ont obtenu ». Pour autant, ce dernier reconnaît avoir pris le risque d’acquérir « cette icône du Sud-Ouest » dans le cadre d’une succession compliquée : « Vu l’ambition et l’idée que l’on a du Sud-Ouest, si je ne l’avais pas fait, cela aurait été une faute professionnelle ».
Un armagnac 100 % naturel
Décidée à participer à la promotion et la valorisation de ce produit 100 % Sud-Ouest « encore ultra-confidentiel », l’équipe de Lionel Osmin & Cie propose « L’Apothicaire », sa gamme d’armagnac. Avec un parti pris inédit : ne pas mélanger les cépages « pour ramener toute leur identité ». Mais pas seulement : « On ne mélange pas non plus les années, on n’ajoute pas d’eau (ce qui donne des eaux-de-vie jusqu’à 55 degrés) et pas non plus de caramel pour garder une couleur naturelle », se réjouit Lionel Osmin, qui résume : « Nos Armagnacs, ce sont des eaux-de-vie 100 % naturelles ».