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Loi Marché du Travail : les grandes lignes

Adoptée en lecture définitive le 17 novembre 2022, la loi n° 2022-1598 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail a été promulguée et publiée au Journal Officiel le 22 décembre 2022. Médiatisée pour « la présomption de démission en cas d'abandon de poste », la loi Marché du Travail a pour objectif plus large de parvenir au « plein emploi ».

Stéphanie DUGOUJON avocate associée JLC Marmande travail

Stéphanie DUGOUJON avocate associée JLC Marmande © Louis Piquimil - La Vie Economique

La Loi Marché du Travail est centrée sur la validation des acquis de l’expérience (VAE) et l’assurance chômage. La majeure partie de ses dispositions entrera en vigueur avec la publication de ses décrets d’application. Parmi les principales mesures, on trouve :

UN ACCÈS AUX INDEMNITÉS ASSURANCE CHÔMAGE PLUS CONTRAIGNANT

Certaines mesures restreignent l’accès aux indemnités : présomption de démission en cas d’abandon de poste, perte du droit à l’indemnisation en cas de refus répétés d’un CDI après un CDD ou contrat d’intérim, ou encore possibilité de moduler les droits en fonction de la conjoncture économique.

Présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste (absence volontaire du salarié)

Le salarié, qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur (qui ne peut être inférieur à un minimum qui sera fixé par décret), est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai (C. trav., art. L. 1237-1-1 ). Le contrat est alors considéré comme rompu à l’expiration du délai de mise en demeure, de sorte que l’employeur n’a pas à engager une procédure de licenciement.

Présomption de démission

Pour pouvoir se prévaloir d’une présomption de démission du salarié qui abandonne son poste, l’employeur doit au préalable l’avoir mis en demeure de justifier de son absence et de reprendre son poste dans le délai qu’il fixe. Si le salarié ne répond pas, la procédure peut se poursuivre. Mais si le salarié justifie d’un motif d’absence légitime – notamment l’un de ceux évoqués ci-dessus (raison de santé, droit de retrait, etc.), ou réintègre son poste de travail, la présomption de démission tombe. Cette mise en demeure permet ainsi de s’assurer que l’abandon de poste est volontaire et réitéré.

Le salarié présumé démissionnaire ne bénéficie d’aucune indemnité de licenciement et n’a pas le droit aux allocations chômage. L’employeur doit remettre à ce salarié les documents de fin de contrat. Le salarié présumé démissionnaire peut contester la rupture de son contrat de travail en saisissant directement le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, qui se prononce sur la nature de la rupture et ses conséquences. Le juge prud’homal doit statuer au fond sur la demande du salarié dans un délai d’un mois. À noter que ce nouveau texte n’empêche pas en l’état un employeur confronté à un abandon de poste de sanctionner le salarié et de le licencier à ce titre. Un décret à venir précisera les modalités de ces dispositions.

Ce nouveau texte n’empêche pas un employeur confronté à un abandon de poste de sanctionner le salarié

Refus de CDI

La loi entend inciter les salariés en CDD ou en mission d’intérim dans une entreprise à accepter le CDI qu’elle leur propose à l’issue de leur contrat ou mission. Ce CDI doit remplir certaines conditions et notamment il doit être proposé par écrit pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail. Si le salarié refuse le CDI, l’employeur (pour un CDD) ou l’entreprise utilisatrice (pour un intérimaire) doit en informer Pôle emploi, en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé. Un décret à venir précisera les modalités de ces dispositions.

Un salarié en CDD ou en intérim qui, au cours des 12 mois précédents, a refusé par 2 fois une proposition de CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire dans les conditions précitées, n’aura pas droit à l’allocation chômage.

La loi entend inciter les salariés en CDD ou en mission d’intérim dans une entreprise à accepter le CDI qu’elle leur propose

Modulation des droits à l’assurance chômage en fonction du climat économique.

La loi pose le principe de la contracyclicité de l’assurance chômage. Elle en précise le cadre en prévoyant que les paramètres d’indemnisation chômage pourront être modulés sont la durée d’affiliation et la durée d’indemnisation. Il s’agit de rendre les conditions d’accès à l’assurance chômage plus strictes quand la situation de l’emploi est bonne (pour inciter à la reprise d’emploi) et, à l’inverse, plus souples quand la conjoncture est moins favorable.

Les futures règles de ce mécanisme seront détaillées dans le décret pris à l’issue de la concertation actuellement en cours entre les partenaires sociaux. Il est attendu pour une entrée en vigueur au 1er février 2023 et pourra s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard, date butoir fixée par la loi.

Une annonce a toutefois été faite par le premier ministre de ne pas appliquer au 1er février prochain cette mesure.

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UN SEUL CDD POUR REMPLACER PLUSIEURS SALARIÉS

Les articles L 1242-2, 1o et L 1251-6, 1° du Code du travail disposent, notamment, qu’un CDD ou un contrat de mission peut être conclu pour remplacer un salarié en cas d’absence. Leur rédaction a permis à la Cour de cassation d’établir une règle de formalisme selon laquelle lorsqu’un salarié est engagé sous CDD pour remplacer successivement plusieurs salariés, il doit être conclu avec lui autant de contrats écrits qu’il y a de salariés à remplacer, sous peine de requalification.

Une expérimentation, permettant l’embauche d’un salarié sous contrat à durée déterminée ou contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés, va être renouvelée. Ainsi à titre expérimental pendant 2 ans, dans les secteurs à définir par décret, un seul contrat à durée déterminée ou contrat de mission peut être conclu pour remplacer plusieurs salariés.

L’objectif est de favoriser des durées d’emploi plus longues au bénéfice des salariés en contrat court et de limiter le recours au temps partiel, tout en réduisant les coûts de gestion des entreprises engendrés par la recherche de salariés embauchés pour remplacer les salariés absents, ainsi que le volume de contrats courts signés.

L’ambition du gouvernement est de créer un service public de la VAE

UNE VOLONTÉ DE DÉVELOPPER LES VAE (VALIDATION DES ACQUIS ET DE L’EXPÉRIENCE)

La loi vise, selon le Gouvernement, à faire de la validation des acquis de l’expérience un instrument simple, accessible au service de tous les actifs souhaitant évoluer dans leur carrière. L’ambition est de permettre à 100 000 personnes par an de bénéficier de cet outil, d’ici à la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. Sera ainsi crée un service public de la VAE, géré par un groupement d’intérêt public.

Fluidifier le parcours de validation

La VAE est accessible à toute personne justifiant d’une activité en rapport direct avec le contenu de la certification visée. (Acquisition d’une certification professionnelle enregistrée au RNCP ou d’un bloc de compétences d’une telle certification). Un accompagnement est proposé au candidat dès la constitution du dossier d’admissibilité. Le congé VAE peut durer jusqu’à 48 heures. La VAE peut être financée par l’employeur, un Opco, Pôle emploi, dans le cadre du CPF, ou par une Transitions Pro. À titre expérimental, pour trois ans à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard le 1er mars 2023, le contrat de professionnalisation peut comporter des actions en vue de la validation des acquis de l’expérience. La loi contient plusieurs mesures visant ainsi à fluidifier le parcours de validation, dont le régime actuel a été jugé trop complexe par le législateur.

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