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Loi ZAN : la guerre des hectares

La soirée annuelle du MEDEF des Hautes-Pyrénées qui se tenait le 23 novembre, a donné lieu à une présentation de la loi de l’artificialisation des sols. Cette loi soulève de nombreuses inquiétudes tant chez les élus que les entrepreneurs.

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La soirée annuelle du Medef 65 a mis sur la table la loi ZAN et les questions qu'elle soulève lors d'une table ronde avec Antoine Nunès, Gérard Trémège, Michel Pélieu, Jean-Louis Cazaubon et Sophie Garcia. ©LilianCazabet-VieEconomique

Pour sa soirée annuelle, le MEDEF des Hautes-Pyrénées avait rassemblé l’ensemble des élus et de ses adhérents à la CCI Tarbes-Hautes-Pyrénées. Le 23 novembre, l’organisation patronale présidée par Antoine Nunès a choisi de mettre sur la table deux thèmes majeurs pour les entreprises : la RSE et la loi ZAN. Présenté comme le nouveau visage de la performance, le premier a donné lieu à une présentation pertinente assurée par Laurence Esteve de Palmas, avocate spécialisée dans le droit de l’environnement, et Pascal Coulomb, responsable RSE Indosuez. Cet éclairage complet a surtout fait souffler un vent de sérénité face à la responsabilité sociétale des entreprises. Le contraste avec la loi ZAN n’en a été que plus fort car une chose est sûre : devant cette législation, personne n’est zen !  

Les élus mobilisés 

Le discours d’accueil de François-Xavier Brunet, président de la CCI Tarbes-Hautes-Pyrénées, le laissait entendre à demi-mot : « Les questions environnementales sont extrêmement importantes mais nous, chefs d’entreprises, nous devons être extrêmement attentifs à ce que sous le couvert de ces préoccupations, on ne laisse par certains poursuivre des agendas politiques ou sociétaux qui sont contraires à nos valeurs, aux intérêts du monde de l’économie et plus largement à ceux de la nation ». Un préambule qui a pris tout son sens au fil de la conférence, assurée par Sébastien Sureau, Directeur Mission Environnement, Medef national et de la table ronde réunissant Gérard Trémège, maire de Tarbes et président de la Communauté de communes TLP, Michel Pélieu, président du Département et Jean-Louis Cazaubon, vice-président de la Région Occitanie.  

En France, la consommation des sols a quasiment doublé en 40 ans, cela s’explique par le développement mais aussi une densification de sa population  

Zéro consommation en 2050 

Action sur le climat, rôle écosystémique majeur, cœur de biodiversité : l’entretien des sols mais surtout leur préservation est un sujet central de la loi Climat et Résilience. La consommation d’espaces pour les créations ou les extensions urbaines mais aussi les nouveaux usages des sols vierges ont amené des mesures qui forment la loi ZAN. Sous l’acronyme, l’objectif s’affiche sans détour, il s’agit d’atteindre zéro artificialisation nette des sols en 2050 : « En France, la consommation des sols a quasiment doublé en 40 ans, cela s’explique par le développement mais aussi une densification de sa population », constate Sébastien Sureau. Avec 5 % des communes qui consomment 40 %, ce phénomène est très concentré et la plupart des villes travaillent avec l’existant. Freiner la consommation semble aller de soi mais la mise en œuvre se confronte au développement futur des territoires et celui de leurs activités économiques. 

Un calcul jugé irrationnel 

En moyenne, 25 000 hectares par an sont consommés en France et dans l’état, la loi prévoit une réduction de 50 % d’ici 2031. Pour les territoires, le calcul sera déterminé sur la consommation faite de 2011 à 2020, ce que Michel Pélieu n’a pas hésité à qualifier « d’irrationnel » : « La métropole Toulousaine qui a beaucoup consommé aura droit à 50 % de plus et des territoires ruraux où on n’aura pas trop consommé auront droit à des peaux de châtaignes. Ça va mettre le feu sur les territoires, ça va se traduire par des communes qui n’auront aucune possibilité d’extension ». Une réaction que partage Jean-Louis Cazaubon : « C’est une hérésie, en clair quelqu’un qui a déjà beaucoup consommé aura encore la possibilité de le faire et les secteurs qui ont été beaucoup plus sobres auront droit à 0 ». ;

Comment un entrepreneur peut se projeter dans 10 ou 20 ans et planifier l’extension de son usine ? 

Anticiper les développements 

Pour parvenir aux objectifs ZAN, une planification des besoins industriels futurs est demandée à travers les STRADDET qui devront intégrer les plans de développement régionaux, ce qui n’a pas manqué de faire réagir Antoine Nunès : « Comment un entrepreneur peut se projeter dans 10 ou 20 ans et planifier l’extension de son usine ? La répartition régionale va donner lieu à des discussions à ne plus finir ». En effet la politique foncière sera gérée par des conférences régionales politiques de réduction de l’artificialisation des sols qui fixeront ces objectifs : « On a milité pour que les acteurs économiques puissent participer à ces instances sans avoir gain de cause souligne Sébastien Sureau. Une mutualisation de l’artificialisation des sols sera faite entre toutes les régions qui se répartiront un forfait de 10 000 ha, chacune recevra bientôt son quotas ». 

UN PARTAGE DES HA 

Déjà l’objet de trois remaniements, la loi ZAN ne convainc toujours pas les décideurs des Hautes-Pyrénées dont Gérard Trémège : : « Je ne vois pas le lien positif entre l’artificialisation des sols et l’économie locale à partir du moment… » Un sujet qui « nourrit âprement les débats » comme l’a conclu Jean Salomon, préfet des Hautes-Pyrénées : « La loi ZAN est vertueuse mais quand on globalise les mesures pour la mettre en œuvre, on voit bien que ça ne passe pas. Rien n’interdit à la métropole toulousaine, qui ne pourra pas étendre son urbanisation indéfiniment, de partager ses hectares avec les départements pour les faire progresser ».