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Mouthes Le Bihan : la vigne autrement

Le domaine Mouthes Le Bihan va bientôt fêter ses 25 ans alors que Jean-Marie et Catherine vont céder la place à leur fille Clémence. À contre-courant des difficultés du secteur, le vignoble se porte bien tout en assumant une production en biodynamie. Récit d’une belle histoire familiale.

Jean-Marie et Clémence Le Bihan © Julien Mivielle - La Vie Economique

Lorsque nous arrivons devant le chai du domaine Mouthes Le Bihan, une jeune fille s’affaire avec minutie et application autour des cuves. Clémence, fille de Jean-Marie et Catherine Le Bihan, vient d’avoir 29 ans et d’ici la fin de l’année elle reprendra le domaine créé par ses parents. Pourtant, à sa naissance, sa famille n’était absolument pas dans la viticulture mais dans les céréales. En effet, à la sortie de la Première Guerre mondiale, les arrière-grands-parents de Clémence, Bretons du Finistère, atterrissent en Lot-et-Garonne où l’on a besoin de bras dans les champs. Ils deviennent agriculteurs et plus particulièrement céréaliers. Ils développent également une entreprise de travaux agricoles et s’enracinent dans le Duraquois.

Premier vin en 2000

Jean-Marie et Catherine poursuivent l’aventure familiale. Ils souhaitent s’agrandir à la fin des années 90 : « On souhaitait agrandir notre surface de terres en cultures céréalières et un agriculteur de Saint-Sernin de Duras, partait à la retraite. Il avait également un peu de prairie, des pruniers et de la vigne. On s’est retrouvé vignerons par accident, ce n’est pas du tout un choix réfléchi. On s’est dit, on prend et on verra bien », se souvient Jean-Marie. Sans le savoir, le domaine Mouthes Le Bihan était né. Ils récupèrent ce fermage en 1997 et sortent leur premier vin en 2000 : « On n’y connaissait rien et on a été beaucoup aidé au départ, notamment par Elian Da Ros. Et aujourd’hui, on a quasiment laissé tomber les céréales et on est surtout vignerons », explique le père de Clémence. Avec 600 hectolitres produits chaque année pour 80 000 bouteilles issues de 15 hectares de vignes, Mouthes Le Bihan est devenu un vignoble connu et reconnu. Et la production se fait exclusivement en agriculture biologique et biodynamique : « Mes parents ont voulu faire différemment de ce qui se faisait à l’époque et ils ont toujours été avant-gardistes », reconnaît Clémence.

Un vignoble en bonne santé

Alors que les professionnels du secteur font face à une baisse de la consommation et à des primes à l’arrachage de la vigne, Mouthes Le Bihan traverse cette crise avec prudence : « Il n’y a pas de baisse de nos ventes pour l’instant. On ne vend qu’aux professionnels, souvent des cavistes et à la Biocoop. La tendance actuelle est de boire moins mais mieux et on répond à cela », explique Clémence. Son père ajoute quelques propos du même acabit : « Je reviens du salon Wine Paris et Vinexpo et c’est vrai que c’était calme. Malgré tout, on sent qu’on a une notoriété mais rien n’est jamais acquis ».

© Julien Mivielle - La Vie Economique

© Julien Mivielle – La Vie Economique

L’avenir de Mouthes Le Bihan

Pas d’arrachage en vue pour ce vignoble. Hormis quelques parcelles touchées par la flavescence dorée, les vignes sont en bonne santé. Clémence, qui va reprendre le domaine d’ici la fin de l’année, souhaite conserver une petite structure. Son père âgé de 60 ans et bénéficiant du dispositif des carrières longues devrait ainsi lui céder la main. À l’heure où les entreprises agricoles sont de plus en plus difficiles à transmettre, c’est déjà une belle réussite surtout pour un vigneron indépendant : « Nous sommes certes indépendants mais dépendants du climat, des clients et de la mode », sourit Jean-Marie qui use de l’humour et de la modestie à l’envi. La preuve avec ses étiquettes aux jeux de mots peu communs : « L’aimé Chai », « La Pie Colette » ou encore « Terre à Pie ». Un choix assumé : « Nous ne voulons pas nous prendre au sérieux et paraître prétentieux ». Avant de nous quitter, Jean-Marie Le Bihan termine par une dernière boutade : « Même à la retraite, je vais continuer à aider ma fille. Et puis cela complétera ma petite pension alors j’espère qu’elle me paiera bien ! ». Le message est passé.

Les vins de Mouthes Le Bihan

Rouge : Terre à Pie, Viellefont, Pie Colette, Apprentis et Aimé Chai

Blanc : Pie Colette, Vieillefont, Pérette et les Noisetiers

1 liquoreux si le millésime le permet : La lionne et le désert

Rosé : Pie Colette (pas tous les ans)

600 hectolitres

80 000 bouteilles par an

15 hectares de vigne

La Biodynamie : rappel

Méthode d’agriculture, principalement appliquée à la vigne, n’utilisant ni pesticides de synthèse, ni engrais chimiques et tenant compte du rythme des saisons et du calendrier lunaire. Si ces méthodes ne font pas l’unanimité au sein de la filière viticole, notamment d’un point de vue scientifique, de nombreux vignerons ont basculé en biodynamie à partir des années 2000. Les domaines en biodynamies disposent du label Demeter et Biodyvin, ils sont 700 en France représentant 14 000 hectares. Parmi eux on compte les prestigieux Romanée-Conti, Chapoutier et Louis Roederer