Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Occitanie – L’hydrogène à la folie

Afin de décarboner le transport routier, la Région Occitanie mise sur l’hydrogène avec son Corridor H2. Mais le déploiement à grande échelle se fait attendre, notamment car la production d’un hydrogène vert est balbutiante. Un projet est pourtant en cours de finalisation en Haute-Garonne.

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Stéphane Majka (Stellantis), Valérie Bouillon Delport (France Hydrogène), William Lefevre (Hyvia) et Benoit Meunier (Toyota) © Maxime Fayolle

Il est vu comme l’énergie du futur. L’hydrogène est le grand pari lancé par la Région Occitanie depuis 2019 et le lancement du plan « Corridor H2 ». Une enveloppe de 150 millions d’euros sur 10 ans pour soutenir la production, la distribution et les usages de l’hydrogène renouvelable. La cible n’est pas la voiture individuelle – dont l’avenir semble plutôt s’inscrire vers l’électrique – mais les poids-lourds. La Région veut pousser la bascule du transport de marchandises vers l’hydrogène, ce qui représente 9 millions de véhicules qui sillonnent chaque année l’Occitanie.

L’hydrogène n’a pas l’inconvénient de l’électrique sur le temps de recharge et l’autonomie

Le serpent qui se mord la queue

Réunis en colloque au Grand Marché de Toulouse début octobre, les constructeurs d’utilitaires ont pu faire un point sur l’état du marché. « L’hydrogène est parfait pour les professionnels » explique Stéphane Majka, chargé d’affaires et de développement hydrogène chez Stellantis (Peugeot-Citroën). « Le véhicule électrique a un temps de recharge trop long et une autonomie trop faible. Vous n’avez pas ces inconvénients avec l’hydrogène. » Si les clients sont à portée de main, ils sont encore trop peu nombreux à franchir le Rubicon. « On a mis du temps à obtenir l’homologation de notre véhicule » déplore William Lefevre, directeur des ventes d’Hyvia (Renault). « Mais maintenant que tout est OK, ce qu’il nous manque c’est un réseau de distribution. »

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Un véhicule hydrogène © Maxime Fayolle

En clair, il n’y a pas assez de stations pour faire le plein. À Toulouse, une première station s’est ouverte cet été sur l’A61 mais c’est trop peu pour imaginer alimenter tous les poids-lourds de la région. « En Allemagne, il y en a déjà une centaine », poursuit William Lefevre pour qui le serpent se mord la queue. « Les constructeurs automobiles attendent qu’il y ait plus de stations, les constructeurs de stations disent qu’il n’y a pas encore assez de véhicules, bref tout le monde se regarde. »

Un site de production près de Toulouse en 2024

L’autre question centrale autour de l’hydrogène concerne sa production. Aujourd’hui, la grande majorité de ce gaz est produite à partir de méthane (CH4). Isoler l’hydrogène libère donc une grande quantité de carbone, qui devient du CO2 au contact de l’air. Pour schématiser, 1 tonne d’hydrogène produite génère 10 tonnes de CO2. C’est pour éviter cela que la Région Occitanie a bâti son Corridor H2 sur un hydrogène renouvelable. Un site de production d’hydrogène décarboné est d’ailleurs en cours de construction à Bessières, à une trentaine de kilomètres au nord de Toulouse. Il sera prêt pour début 2024. « L’hydrogène sera produit par l’électrolyse de l’eau » explique Ghislain Robert, le directeur commercial de Lhyfe, qui construit le site de Bessières. « On va casser la molécule d’eau H20 dans un électrolyseur alimenté par de l’électricité renouvelable, d’origine éolienne ou solaire. » Une fois l’hydrogène isolé, seul de l’oxygène est relâché dans l’air.

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Le site de production de Bessières © Lhyfe

À Bessières, ce sont 2 tonnes d’hydrogène par jour qui seront produites. « On estime qu’un véhicule léger consomme 1kg d’hydrogène pour 100km, donc notre station pourrait alimenter 2 000 véhicules par jour qui roulent 100km. » L’hydrogène produit à Bessières sera ensuite acheminé par camions vers de futures stations, dans un rayon de 150km. « On veut créer un réseau de production local. À terme, on peut imaginer que chaque département dispose d’un site de production » parie Ghislain Robert Une deuxième unité de production est en cours de construction dans l’Aude, à Port-la-Nouvelle. D’une capacité de production de 4 tonnes par jour, elle représente un investissement de 60 millions d’euros pour la région.

L’aviation également à fond

L’hydrogène est également un dossier chaud dans l’aéronautique. Plusieurs constructeurs envisagent des avions à hydrogène d’ici une dizaine d’années. Airbus promet le décollage d’un tel modèle en 2035. C’est en tout cas la feuille de route du constructeur toulousain qui travaille sur des piles à combustible et sur le stockage de l’hydrogène liquide en vol. Celui-ci doit être conservé à -253 degrés pour être correctement utilisé par l’avion. Ces expérimentations sont menées dans le cadre du projet HyPERION mené entre Airbus, Safran et ArianeGroup, qui apporte son expérience dans l’utilisation de l’hydrogène dans les propulseurs des fusées Ariane. Parallèlement, des dizaines de start-ups travaillent sur des modèles d’avions à hydrogène. Beyond Aero envisage notamment un avion d’affaires de 4 à 8 places à propulsion hydrogène. Premier vol espéré d’ici 2030.