Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Ostalapia – Préserver l’esprit familial

Dorénavant à la tête de la Ferme Ostalapia et son frère dirigeant le restaurant Ostalamer, Elisa Duplaissy-Betbeder, adapte cette institution à ses goûts, aux appétences de ses clients et aux sensibilités de son équipe. 

Ostalapia, Elisa Duplaissy-Betbeder, Hugo Duplaissy

Elisa Duplaissy-Betbeder et Hugo Duplaissy ©Louis Piquemil - La vie économique du Sud-Ouest

La Vie Economique : Depuis quand dirigez-vous l’établissement ?

Elisa Duplaissy-Betbeder : « Depuis deux ans environ. C’était prévu que je le reprenne mais le Covid a accéléré les choses. J’ai grandi ici et j’ai toujours travaillé en famille avant de vraiment commencer avec Hugo au lancement d’Ostalamer. »

LVE : Et comment procédez-vous pour reprendre les établissements ?

E.D-B. : « Nous rachetons les parts sociales du restaurant avec une holding. Chaque année les dividendes sont utilisés pour le remboursement des prêts. A 18 ans j’ai pris mon premier crédit pour commencer à racheter des parts d’Ostalapia à Philippe Ginestet, notre dernier associé à qui il reste toujours 1% symbolique. Il me reste environ la moitié des parts à racheter. »

LVE : Quelle est la capacité d’accueil du restaurant ?

E.D-B. : « Sur plusieurs services nous montons à 200 couverts. En pleine saison, j’essaie de faire une cinquantaine de couverts le midi et entre 100 et 150 le soir. En équipes salle et cuisine réunies, nous sommes environ 8 à l’année et 15 en pleine saison. »

A 18 ans j’ai pris mon premier crédit pour commencer à racheter des parts d’Ostalapia

Les vignes d’Ostalapia ©V.Biard

LVE : Qu’avez-vous proposé de différent dans votre gestion du restaurant ?

E.D-B. : « A part le dimanche, mon père n’ouvrait pas le midi en saison. Je le fais car je souhaite profiter de la nature et exploiter tous les espaces de la ferme en proposant des menus plus légers. J’ai ainsi lancé la formule grillades le midi en juillet et août pour aussi recruter un peu moins de personnel sur la saison. Cela nous permet de travailler avec une personne aux grillades, un plongeur, une serveuse et moi. Dans cette formule à 50 euros, les clients se servent directement aux grillades mais nous leur apportons tout le reste. L’idée est de proposer un barbecue dans les vignes. Les viandes sont grillées sur le brasero et les légumes et les poissons sont cuits sur la plancha. »

LVE : De nouvelles idées pour la saison ?

E.D-B. : « Cette année, je vais faire venir des chefs différents pour des événements et proposer par exemple de la street food japonaise. Je souhaiterais faire venir Mélanie Bordes dont j’adore le savoir-faire à la braise. Je souhaiterais également organiser un déjeuner à quatre mains avec mon frère Hugo pour une journée poisson au brasero. »

Il faut trouver l’équilibre entre le frais, le raffiné et le gourmand

LVE : Comment prévenir les clients ?

E.D-B. : « Par les réseaux sociaux. J’utilise Instagram. Je n’en suis pas du tout une pro et je me débrouille avec les moyens du bord. Mais c’est primordial pour communiquer. J’essaie de poster des photos : les plats du jour, les suggestions, beaucoup la vue, les assiettes mais mon métier n’est pas influenceuse. Comme je suis pointilleuse sur l’image de la ferme, je dois davantage m’y mettre. »

LVE : Et les avis et commentaires publiés sur Internet, qu’en pensez-vous ?

E.D-B. : « J’accepte toutes les critiques mais les avis de ceux qui ont regardé deux fois Top Chef et se prennent pour des critiques gastronomiques sans réaliser les problèmes que nous connaissons peuvent avoir de l’impact. Je ne m’en préoccupe pas parce qu’il y a aussi de bons commentaires mais je préfère échanger face à face avec les clients. »

LVE : Quelles sont vos inspirations et méthodes pour faire évoluer la ferme Ostalapia à votre image ?

E.D-B. : « Je chine, je fais les brocantes, je récupère. J’ai énormément d’idées mais je ne suis pas du tout manuelle. J’ai de la chance d’avoir Guillaume Le Cam avec moi, un pro de l’évènementiel qui m’aide à aboutir mes projets comme les tables dans les vignes. Je veux renforcer l’esprit naturel avec par exemple le bois du bar que j’ai éclairci ou l’utilisation des produits du potager. J’aime aussi le style décontracté chic mais je veux absolument garder l’identité du lieu qui est une ferme basque à l’origine. »

Ici on est à côté de tout et au milieu de rien

LVE : Que produisez-vous dans le potager ?

E.D-B. : « Des tomates pour les salades, des herbes aromatiques pour la cuisine, des fleurs des champs pour des bouquets décoratifs. Pour les fleurs, je suis aidé par Léonard de L’Epicène, fleuriste à Saint-Jean-de-Luz, qui produit aussi ses propres fleurs. »

Le restaurant Ostalapia ©V.Biard

LVE : Et dans l’assiette ? Du nouveau ?

E.D-B. : « L’assiette reste traditionnelle mais les accompagnements et les assaisonnements sont modernisés. J’ai la chance d’avoir Hassana Gueddari comme cheffe en cuisine avec qui je suis complétement connectée. Elle a été formée par Michel Cassou-Debat qui avait le Sissinou à Biarritz. Elle a aussi travaillé à Ostalamer puis a été chef à Biarritz avant de venir à Ostalapia. »

LVE : Quelles sont les cuisines qui vous plaisent et ou vous inspirent ?

E.D-B. : « J’aime beaucoup la cuisine japonaise par exemple bien que l’on ne la retrouve pas au menu d’Ostalapia mais Hassana Gueddari y apporte la fraicheur de la cuisine méditerranéenne. Nous allons par exemple utiliser des poissons de ligne locaux mais avec des assaisonnements différents. »

LVE : Quels sont les produits locaux emblématiques et comment les revisitez-vous ?

E.D-B. : « Par exemple le cochon avec des entrecôtes braisées pour diminuer le gras et l’accompagner de légumes pour l’alléger.  Je garde le ris de veau avec poilée de cèpes et jus de viande qui est un classique de la maison mais qui est maintenant servi avec des carottes braisées relevées avec des épices du Maroc. Cet hiver nous avons préparé l’agneau local avec une inspiration tajine. »

LVE : Vous semblez vouloir alléger les repas, c’est dans l’air du temps ?

E.D-B. : « Oui on se tourne davantage vers le végétal avec lequel on peut néanmoins préparer des choses très gourmandes. Il faut trouver l’équilibre entre le frais, le raffiné et le gourmand. Il faut se démarquer sans oublier les racines et les produits basques, c’est ce que j’essaie de faire. »

LVE : Comment mettre en pratique les circuits courts ? En allant dans les fermes ?

E.D-B. : « J’essaie de le faire avec des fromagers du Pays basque et notamment la famille Aupetit, des producteurs de légumes, des pêcheurs quand on peut. Nous avons ce qu’il faut pour les produits locaux et pour les autres produits on passe par des maraichers ou la criée. La gestion des stocks est un vrai challenge. Mais on travaille à l’année maintenant et les différences entre les saisons sont beaucoup moins marquées. »

Les avis de ceux qui ont regardé deux fois Top Chef et se prennent pour des critiques gastronomiques peuvent avoir de l’impact

LVE :  Qui sont vos clients ?

E.D-B. : « Je suis contente d’avoir gardé les premiers clients de mon père du temps de la bodega Beaurivage de Biarritz mais aussi d’avoir amené mes amis. J’ai envie de continuer à accueillir le fermier d’à côté mais aussi les people ou les influenceurs que je ne connais même pas d’ailleurs. J’aime que tout le monde se mélange. »

LVE : Et il y aussi huit chambres. C’est un autre métier ?

E.D-B. : « Oui, un autre métier que je découvre. Ce sont des chambres d’hôtes, pas un hôtel. Il y a des couples qui préfèrent y dormir plutôt que de reprendre la route et passer le weekend. Ici on est à côté de tout et au milieu de rien. C’est idéal pour déconnecter. »

LVE : Et les difficultés de votre métier ?

E.D-B. : « Malgré toutes les contraintes du métier de la restauration, j’ai la chance d’être entourée d’une belle équipe. J’ai réussi à préserver l’esprit familial instauré par mes parents, c’est primordial pour moi. »