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Partage de la valeur : nouvel enjeu pour les PME

Entrée en vigueur le 1er décembre 2023, la loi appelée « Partage de la valeur » renforce l’obligation faite aux entreprises, en particulier aux PME, de redistribuer une partie des bénéfices générés à leurs salariés. Elle introduit également de nouveaux dispositifs destinés à associer davantage les collaborateurs aux résultats de leur entreprise.

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Me Stéphanie DUGOUJON ©Louis Piquemil - La Vie Economique

La question du partage de la valeur entre l’entreprise et ses salariés est aujourd’hui au cœur des débats économiques et sociaux. Elle reflète également une volonté politique de concilier performance économique et justice sociale. Adoptée le 29 novembre 2023, la loi n° 2023-1107, dite « Partage de la valeur », issue de la transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 2023, marque une étape importante en la matière. Entrée en vigueur le 1er décembre 2023, cette loi renforce l’obligation faite aux entreprises, en particulier aux PME, de redistribuer une partie des bénéfices générés à leurs salariés. Elle introduit également de nouveaux dispositifs destinés à associer davantage les collaborateurs aux résultats de leur entreprise, tout en élargissant les outils à la disposition des employeurs pour répondre à leurs engagements légaux et sociaux.

Focus sur le nouveau Cap pour les PME

Traditionnellement réservée aux entreprises d’au moins 50 salariés, l’obligation de mettre en place un dispositif de participation est désormais étendue, à titre expérimental, à certaines entreprises de taille intermédiaire. En effet, la réforme récente prévoit que les entreprises de 11 à 49 salariés, constituées sous forme de société (à l’exception des sociétés anonymes à participation ouvrière – SAPO), devront instaurer un mécanisme de partage de la valeur si elles remplissent certaines conditions de rentabilité.

Sont concernées les entreprises ayant réalisé, pendant trois exercices consécutifs, un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. L’appréciation de cette condition se fait a posteriori, sur les trois exercices précédents. Ainsi, si une entreprise atteint ce seuil au titre des exercices 2022, 2023 et 2024, elle devra mettre en place un dispositif de partage de la valeur dès l’exercice 2025. En revanche, cette obligation ne s’appliquera pas si l’entreprise est déjà couverte par un tel dispositif pour l’exercice concerné. Ce nouveau cadre s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025. Il s’inscrit dans le cadre d’une expérimentation de cinq ans, soit jusqu’au 29 novembre 2028 (date de fin de la période expérimentale ouverte le 29 novembre 2023).

Les entreprises concernées disposeront de plusieurs outils pour répondre à cette obligation :

– La participation : dispositif légal obligatoire dans les entreprises de 50 salariés et plus, fondé sur les bénéfices réalisés.

– L’intéressement : facultatif mais incitatif, il permet d’associer les salariés aux résultats ou aux performances, selon des critères définis par accord.

– La prime de partage de la valeur (PPV) : anciennement appelée « prime Macron », elle peut être versée de manière exonérée dans certaines limites.

– L’abondement dans un plan d’épargne salariale (PEE ou PERCO) : outil favorisant l’épargne des salariés, pouvant compléter les dispositifs existants.

Au-delà d’une contrainte légale, le partage de la valeur devient un enjeu stratégique de motivation et de fidélisation des salariés. Il s’intègre dans une logique de gouvernance plus collaborative et d’engagement des équipes. Les employeurs y trouvent aussi leur intérêt : amélioration du climat social, attractivité renforcée, et optimisation fiscale et sociale.

Les mécanismes de partage de la valeur constituent des leviers puissants au service de la performance collective

Les intérêts et limites des dispositifs de partage de la valeur

Les mécanismes de partage de la valeur, tels que la participation, l’intéressement ou les primes spécifiques, constituent des leviers puissants au service de la performance collective. Ils offrent des avantages significatifs tant pour les salariés que pour les employeurs, tout en comportant certaines contraintes à anticiper.

Pour les salariés : des bénéfices concrets

– Constitution d’une épargne avantageuse : Ces dispositifs permettent aux salariés de se constituer une épargne à moyen ou long terme dans un cadre fiscal et social favorable.

– Implication renforcée : En étant directement associés aux résultats ou à la valorisation de l’entreprise, les salariés gagnent en motivation et en engagement.

– Régime fiscal incitatif : Les primes issues de ces mécanismes, ainsi que les abondements éventuels, bénéficient d’un traitement fiscal et social allégé (exonérations dans certaines limites).

Pour les employeurs : un levier stratégique

– Attractivité et fidélisation des talents : En valorisant l’implication des salariés, ces outils renforcent la marque employeur et contribuent à la stabilité des équipes.

– Optimisation des charges : Les exonérations fiscales et sociales associées permettent de verser des compléments de rémunération à moindre coût.

– Souplesse d’utilisation : La diversité des dispositifs existants permet aux entreprises de choisir ceux qui sont les plus adaptés à leur taille, leur structure et leurs objectifs.

Des contraintes à ne pas négliger

Malgré leurs avantages, les dispositifs de partage de la valeur impliquent certaines limites pratiques et financières :

– Complexité de mise en œuvre : Leur instauration suppose souvent une négociation avec les partenaires sociaux, la rédaction d’accords spécifiques, et la gestion d’obligations administratives rigoureuses.

– Coût pour l’entreprise : Même allégés fiscalement, ces dispositifs représentent un engagement financier non négligeable (abondements, primes, etc.).

Si l’objectif affiché de ces dispositifs est de favoriser un meilleur partage de la valeur au sein de l’entreprise, plusieurs limites invitent à nuancer leur portée. On peut en effet s’interroger sur l’existence d’une véritable formule de partage équitable de la valeur. La loi ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de l’obligation imposée aux entreprises concernées, et les mécanismes mis en place peuvent varier considérablement dans leur forme, leur durée ou leur impact économique.

Il peut s’agir de dispositifs pérennes ou ponctuels, sans qu’aucun montant minimum ne soit exigé, ce qui limite la portée réelle de l’obligation. En outre, si l’ouverture de ces dispositifs à un plus grand nombre de salariés constitue une avancée en matière de redistribution, les sommes perçues n’ont pas le caractère de salaire. Elles ne sont donc ni assujetties aux cotisations sociales, ni prises en compte pour le calcul des droits à la retraite, ce qui soulève la question de leur contribution à la solidarité nationale.

Un Enjeu Stratégique pour les PME

En associant davantage les salariés aux performances économiques de leur structure, la loi Partage de la valeur consacre l’idée d’un partage plus équilibré des fruits de la croissance. Ces dispositifs, bien que divers dans leur forme — participation, intéressement, primes, abondement, PPVE — offrent aux employeurs des leviers puissants pour motiver, fidéliser et valoriser l’implication de leurs collaborateurs, tout en bénéficiant d’avantages fiscaux et sociaux attractifs. Cependant, leur mise en œuvre suppose rigueur, anticipation et dialogue social.

Régime des différents outils

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Même allégés fiscalement, ces dispositifs représentent un coût non négligeable pour les entreprises

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