Près de 400 pages ! Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, a ainsi remis au mois de septembre 2024 un rapport de près de 400 pages sur la compétitivité de l’économie européenne. Ce rapport comprenant 170 propositions est articulé autour de quatre thématiques majeures : innover et combler le retard technologique ; adopter un plan ambitieux pour décarboner l’économie ; renforcer la sécurité européenne et réduire les dépendances en matières premières.
Un défi existentiel pour l’Europe
Les préconisations faites dans le rapport ont pour objectif de relancer l’investissement et la croissance européenne sachant que le principal moteur de productivité de l’économie mondiale ces dernières années a été l’essor des technologies numériques. Ces préconisations faites dans le rapport le sont en cohérence avec les valeurs fondamentales de l’Europe que sont : la prospérité, l’équité, la liberté, la paix et la démocratie. Le tout dans le contexte d’une protection américaine moins garantie, d’une énergie russe bon marché qui a disparu et d’un commerce mondial complètement chamboulé et profondément déséquilibré. Il s’agit, pour l’auteur du rapport, d’un défi existentiel pour l’Europe. Tout l’enjeu est ainsi de relancer l’investissement et la croissance, les deux objectifs devenant des priorités pour les États membres. En un chiffre, Mario Draghi encourage les pays européens à faire un effort commun d’investissements de 800 milliards d’euros.
Mécaniquement, l’Europe est en situation de faiblesse et a pris du retard sur la question essentielle de l’innovation, et notamment des technologies numériques.

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La compétitivité : un chantier prioritaire
La question de la compétitivité est essentielle pour que les valeurs fondamentales de l’Europe soient garanties pour les décennies à venir. La restauration de la compétitivité européenne est, selon l’auteur, un chantier prioritaire. Une coopération entre les États membres de l’Union européenne s’avère donc essentielle pour répondre à trois impératifs vitaux : accélérer l’innovation et trouver de nouveaux moteurs de croissance ; trouver une solution à des prix élevés de l’énergie tout en décarbonant l’économie et enfin, tenir compte d’un monde instable et en proie à la guerre.
Si l’Europe représente encore 17 % du PIB mondial, on y constate une baisse de la productivité
Recul alarmant du PIB de l’Union européenne
Celui qui fut président du Conseil italien (2021-2022) a fait un constat alarmant en soulignant les points de faiblesse de l’économie européenne : en 20 ans, le produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne a reculé de 15 % par rapport à celui des États-Unis. Les pays européens ont raté la révolution économique de la « tech » si bien qu’uniquement quatre entreprises du Vieux Continent figurent aujourd’hui parmi les 50 plus grandes entreprises de la « high tech » ; les coûts de l’énergie ont augmenté ; la dépendance est forte vis-à-vis de l’extérieur pour des matières premières essentielles (matériaux « critiques », semi-conducteurs) ; l’absence d’entreprises européennes de taille mondiale à l’exception d’Airbus ; et une gouvernance économique manquant d’efficacité. Si l’Europe représente encore 17 % du PIB mondial, on y constate une baisse de la productivité et on ne saurait oublier que, sur le plan démographique, le ratio actif/retraité devrait passer d’ici quelques années de 3 pour 1 à 2 pour 1. Mécaniquement, l’Europe est en situation de faiblesse et a pris du retard sur la question essentielle de l’innovation, et notamment des technologies numériques. Où sont les GAFAM européennes ?
La question du financement des retraites
L’auteur du rapport n’oublie pas pour autant les questions économiques et sociales que l’Europe devra trancher : le financement des retraites d’un continent dont la population vieillit à vue d’œil, des réformes fiscales articulées autour de l’équité et l’orientation d’une partie de l’épargne privée des Européens vers le financement de l’innovation et des entreprises.
Mario Draghi, dont la légitimité est reconnue sur les questions économiques, a pour souci une croissance durable pour l’Europe et met l’accent sur une compétitivité articulée autour des technologies avancées et d’une innovation la plus dynamique possible. Sa réflexion intègre un souci de décarbonation et la recherche d’une circularité dans les échanges. C’est ainsi que les trois axes qui constituent la colonne vertébrale de son rapport sont : l’innovation dans le domaine des technologies, la décarbonation et la réduction des dépendances extérieures vis-à-vis des matières premières.
Les trois axes important du rapport Draghi sont : l’innovation dans le domaine des technologies, la décarbonation et la réduction des dépendances extérieures vis-à-vis des matières premières.

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Rapport Draghi : les préconisations phares
Mettre le « paquet » sur l’intelligence artificielle pour « booster » la productivité des 10 secteurs stratégiques présentés ci-après dans le point 3.
Accroître l’innovation : doubler le budget du programme-cadre de recherche et d’innovation pour le porter à 200 milliards d’euros sur 7 ans.
Créer une agence européenne pour l’innovation de rupture.
Développer des politiques économiques de filière dans 10 secteurs d’activités stratégiques : l’énergie, les matériaux critiques, la digitalisation et les techniques de pointe, les industries à forte intensité énergétique, les technologies vertes, l’industrie automobile ; la défense ; l’espace, l’industrie pharmaceutique et les transports.
Renforcer la souveraineté stratégique en créant une plateforme pour sécuriser les approvisionnements en matières premières critiques.
Consolider une politique de défense en renforçant la coopération entre les pays européens de façon à créer une industrie de la défense.
Innover dans les technologies avancées.
Créer un nouveau statut « d’entreprise européenne innovante » et unifier le droit européen des sociétés pour favoriser la croissance et le développement des start-up.
Revisiter une gouvernance économique européenne défaillante.
Mettre en place une politique économique étrangère dont un des objectifs serait de conclure des accords commerciaux préférentiels avec des pays qui ont des ressources rares.