Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Vignerons du Jurançon : un nouvel élan

Le collectif des Vignerons du Jurançon donne depuis quelques années un second souffle à l’appellation, avec la volonté de faire rayonner leurs vins. Rencontre avec Thomas Pissondes, son président, au sortir des vendanges qui promettent cette année encore un beau volume.

Jurançon

© Pierre Carton

Sur les coteaux de la chapelle de Rousse, à Jurançon, dans la lumière automnale d’un mercredi matin ensoleillé, Thomas Pissondes le reconnaît : la vue depuis son « bureau » est exceptionnelle, avec les Pyrénées en toile de fond et les vignes aux feuilles dorées en premier plan. Le président du collectif des Vignerons du Jurançon, qui regroupe des vignerons indépendants de l’appellation, vient de terminer les vendanges qui annoncent un joli volume malgré la sécheresse estivale. Comme chez ses consœurs et confrères de l’appellation, elles se sont achevées avec une bonne quinzaine de jours d’avance. « Cette année, parce que la maturité du raisin le permet- tait, nous avons débuté le 19 septembre et terminé autour du 22 octobre, quand habituellement nous vendangeons à partir de début octobre », remarque Thomas Pissondes, 5e génération à officier au domaine du Clos Labrée.

Un mois intense dû au bouleversement du calendrier « classique » des vendanges en Jurançon, conséquence du réchauffement climatique : depuis trois ans déjà, ces dernières commencent beaucoup plus tôt et se déroulent sur un temps davantage contraint, nécessitant une adaptation et une réorganisation des vignerons. Un scénario qui devrait se répéter et qui questionne également sur d’éventuelles problématiques à venir, sur le long terme.

Thomas Pissondes, président des Vignerons du Jurançon.

Thomas Pissondes, président des Vignerons du Jurançon. © E. Loustalet-Turon

Une acidité des vins en baisse

« Grâce au travail de notre œnologue, au sein du laboratoire de l’association, nous constatons depuis cinq ans qu’au même degré potentiel d’alcool, l’acidité des vins baisse », explique Thomas Pissondes. Si cette acidité continue à diminuer dans les prochaines années, l’équilibre entre la sucrosité et l’acidité disparaîtrait, alors que celui-ci est l’un des points phares des moelleux en jurançon. La vigilance reste donc de mise pour éventuellement, à terme, redéfinir un cahier des charges qui permettrait d’éviter de perdre ce qui fait l’essence même du jurançon. Pour autant, si le jurançon moelleux a fait et fait encore les lettres de noblesse de l’appellation, les habitudes de consommation changeantes et la réalité du marché entraînent depuis quelques années la montée en puissance de son petit frère : le jurançon sec.

La montée en puissance du jurançon sec

Jusqu’alors dans l’ombre de son aîné liquoreux, le jurançon sec rattrape en effet son retard en séduisant de plus en plus d’amateurs… et de vignerons. Aujourd’hui, ces derniers sont conscients de la demande : « là où dans certains domaines de l’appellation, on produisait seule- ment un quart de sec, aujourd’hui on tend vers l’équilibre sec-moelleux. Et surtout, le nombre de cuvées s’étoffe. Au Clos Labrée, nous sommes l’exemple type : quand je suis arrivé en 2010, mes parents ne faisaient que du moelleux. L’an dernier, j’ai fait moitié moelleux, moitié sec sur ma production et désormais, nous proposons deux cuvées de jurançon sec ».

Thomas Pissondes et de nombreux vignerons, notamment la nouvelle génération, ont ainsi vu le vent tourner sur un marché « tirant vers le sec ». Ils ont profité de cet engouement pour travailler et développer des vins à la palette aromatique large et intense, allant du fruit exotique aux notes d’agrumes. Un sec clairement dans l’air du temps, que Les Vignerons du Jurançon n’ont de cesse de faire connaître en local mais aussi au national, en particulier depuis quelques années avec l’embauche de deux salariés à la communication et au marketing.

Un gros effort sur la communication

Les 60 vignerons indépendants et les 40 viticulteurs adhérents de l’association ne s’y trompent pas : pour vendre, il faut être vu. Si depuis 25 ans déjà, les portes-ouvertes des domaines rappellent chaque année l’existence des vignerons indépendants aux nombreux Béarnais qui ne boudent pas leur plaisir lors de cette emblématique Route des vins, le collectif a dernièrement innové pour se donner de la visibilité. Notamment en 2022, année prolixe.

En avril, Les Vignerons du Jurançon ont organisé Les Terrasses du Jurançon sur le boulevard des Pyrénées, à Pau. La première édition de cet événement festif qui rassemblait vignerons et visiteurs ne sera pas la dernière, étant donné son succès : environ 6 000 personnes étaient en effet au rendez-vous. Quelques mois plus tard, en juillet, l’association inaugurait sa Vinothèque située sur la route de Gan, magasin de producteurs proposant pas moins de 120 références de Jurançon. Les Vignerons du Jurançon, qui selon leur président témoignent d’une « bonne dynamique, particulièrement depuis 4 ans et tout ce qui est impulsé », semblent définitivement connaître une nouvelle jeunesse.

La Route des Vins le 11 décembre

Les Vignerons du Jurançon fêtent les 25 ans de leurs traditionnelles portes ouvertes, le dimanche 11 décembre. Une quarantaine de vignerons indépendants accueilleront le grand public, de 10 h à 18 h. Au programme : marchés gourmands, stands artisanaux, musique, visites de chais, rencontres avec les vignerons… Listes des domaines participants sur www.vins-jurancon.fr

Le collectif des Vignerons du Jurançon en chiffres

60 vignerons

40 viticulteurs

50 % des adhérents ont moins de 45 ans

19 000 hectolitres de vin produit par an (sur

les 55 000 hectolitres produits sur l’ensemble de l’appellation)

5 cépages autochtones (petit manseng, gros manseng, camaralet, lauzet, courbu)

614 hectares de vignes en AOC

100 % de vendanges manuelles

80 % de la surface de plantation en démarches environnementales

1/3 de volume en jurançon sec

4 salariés