Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Atelier Martin LG, une transmission lumineuse

Les ateliers vitraux d'art créés par Louis Martin à Nontron en 1980 se sont taillés une solide réputation dans la région. L’entreprise vient d’être transmise à Maddy Sylla dont le parcours dit toute la motivation pour ce métier.

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Maddy Sylla (à droite) et son équipe © Loïc Mazalrey - La Vie Economique

Après des études supérieures, c’est la rencontre d’un parc archéologique du nord de la France qui ouvre à Maddy Sylla, passionnée d’art, le chemin qui va lui permettre de « faire travailler la tête et les mains, la théorie et la pratique ». Les métiers du feu l’attirent, elle se forme au décor verre dans une petite promotion de dix élèves, à Lille. « J’ai adoré : j’étais tout le temps en atelier car mon cursus me dispensait des cours », raconte-t-elle. Ces deux ans intenses, avec de superbes stages en entreprise, lui ouvrent des portes dès le diplôme mais elle préfère poursuivre avec deux ans d’apprentissage à La Maison du Vitrail, à Paris, pour ajouter un atout au décor verre.

Cherche peintre vitrailliste : c’était l’intitulé parfait pour m’accrocher !

La crise Covid casse un départ à l’étranger avec Erasmus. Elle tombe alors sur l’annonce émise par Gérard Deplat, repreneur de l’atelier en 2004. « Cherche peintre vitrailliste : c’était l’intitulé parfait pour m’accrocher ! J’ai postulé avant de savoir où se trouvait Nontron… Dans ce métier, c’est le travail qui nous guide vers les lieux. » Loin de regretter cette traversée de la France, de Lille vers le Périgord, l’urbaine rêvait justement de campagne. Ce mois d’avril 2021, quand elle intègre son poste, elle reçoit illico les espoirs de reprise de celui qui prépare sa retraite… « Je n’avais pas encore signé mon CDI ! »

EN ROUTE VERS LA REPRISE

Peu à peu, la jeune femme s’implique dans les dossiers d’appel d’offres, accompagne le dirigeant dans les réunions de chantier, elle se sent légitime pour s’engager. Maddy Sylla se sent bien dans l’atelier et dans la ville. « Le déclic s’est vraiment fait sur un chantier pour l’hôtel de ville de Niort, une vitrerie peinte avec un travail complexe : j’étais fière d’y arriver, confiante de pouvoir tenir une entreprise. » Depuis juillet, à pile 30 ans, elle endosse cette responsabilité. « J’ai repris les parts de la SARL, avec l’immeuble et le fonds de commerce, et des marchés déjà signés. Initiative Périgord finance le projet et la banque a senti ma passion. » Gérard Deplat ne lâche pas la repreneuse en si bon chemin, et d’autres bonnes fées se penchent sur le berceau (lire encadré), elle a le soutien de son compagnon, enseignant, et de son père, commerçant. Les vitraux traditionnels et contemporains, religieux et laïcs, illuminent des monuments historiques comme les châteaux des Milandes ou de Puyguilhem, ou la cathédrale Saint-Front à Périgueux.

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© Loïc Mazalrey – La Vie Economique

L’atelier, organisé en autonomie avec sapine et grand four, prend en charge des restaurations complètes, du démontage à la réparation des verres à l’identique, le repiquage, la serrurerie.

AVOIR-FAIRE D’EXCEPTION

La dirigeante stabilise d’abord le solide carnet d’adresses existant, « beaucoup d’architectes du patrimoine et d’artisans qualifiés font confiance à mon prédécesseur, je veux rassurer les clients sur cette succession ». Elle aimerait ouvrir d’autres marchés en ajoutant la création pure, de la maquette à la pose. « J’aimerais avoir carte blanche sur des projets… pour moi, tous les artisans sont un peu artistes. » Et elle est au bon endroit pour ça puisque Nontron brille par son Pôle expérimental des métiers d’art, auquel elle prévoit d’adhérer une fois stabilisée.

RELÈVE 100 % FÉMININE

Elle se considère comme la troisième génération d’une lignée de vitraillistes. « C’est un honneur de marcher sur les pas de ceux qui ont créé et fait prospérer cet atelier, pour le faire perdurer. » Une relève 100 % féminine, dans une tradition plutôt masculine sur les chantiers : avec une apprentie en formation depuis septembre, Lhou Mordret, 25 ans, « le geste sûr et l’écoute constructive, avec une orientation artistique » ; et une salariée, Orane Bouillot, « formée aussi en métallerie, avec un profil plus artisan », Maddy Sylla conjugue l’accord parfait. Le trio de néo-périgourdines prouve sa complémentarité et son efficacité dans un métier du patrimoine à la fois artistique et technique.

DES PARRAINS BIENVEILLANTS

Maddy Sylla est aussi accompagnée au démarrage par Bernard Mousnier, entrepreneur nontronnais bien connu, investi au sein d’ECTI, association de référence dans le bénévolat senior de compétences. Ce parrain a suscité une visite d’experts avisés pour lui faire gagner du temps sur des étapes commerciales et de gestion (études de prix et techniques, plaquette de promotion pour donneurs d’ordres potentiels, mairies, propriétaires de bâtiments classés, etc.). Michel Roy, membre d’ECTI qui a soutenu le dossier de reprise auprès d’Initiative Périgord ; Vincent Leuleu, technicien en Dordogne pour la Direction Régionale des Affaires Culturelles ; Patrick Palem, délégué départemental de la Fondation du Patrimoine, « ont visité l’atelier pour mobiliser des aides ponctuelles qui relèvent de leurs compétences », assure Bernard Mousnier.