Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

L’élu local, maillon indispensable

Bernard Vauriac, qui a passé la main de la présidence de l’Union des maires de Dordogne en fin d’année dernière, fait le bilan de ce mandat et en appelle à une nouvelle décentralisation.

Bernard Vauriac

Bernard Vauriac © D. R.

Élu conseiller municipal en 1977, alors qu’il effectuait son service militaire, il a eu envie de s’impliquer davantage au terme de cet apprentissage, et il est devenu maire dès 1983. « Il n’y avait pas encore d’adduction d’eau dans les 45 hameaux de Saint-Jory-de-Chalais… Ce n’est pas si loin, s’en souvient-on ? » Il est maire depuis lors et s’est impliqué dans des instances de représentation. En 1995, il préside le comité d’entreprise des collectivités locales, comité départemental d’action sociale passé de 7 à désormais 494 adhérents pour 6 000 ressortissants : c’est le plus gros CE de Dordogne. « Je suis fier d’avoir généralisé l’action sociale pour le personnel des collectivités. » Cet organisme paritaire lui a donné une visibilité, à travers le centre départemental de gestion des personnels et diverses présences dans les syndicats départementaux, pour accéder à la présidence de l’Union des maires, de 2014 à 2020. « En plus de la connaissance du terrain, c’est beaucoup de réunions chronophages et du travail en commission pour pouvoir défendre les dossiers. » La Covid les a mutées en « visioconférences jusqu’à 70 qui mobilisent l ’énergie pour maintenir l’intérêt de tous ».

2015, c’est l’époque des baisses de dotation de l’État, dans le sillage de la loi NOTRe (nouvelle organisation des territoires de la République). « L’État reste jacobin et n’a pas négocié avec les élus : nous ne sommes pas pris pour des partenaires à hauteur de ce que nous apportons, surtout dans le monde rural. L’État a permis la décentralisation mais en demandant aux collectivités de refaire ce qu’il faisait, au lieu de les laisser agir : on est limité dans notre capacité à intervenir. On le voit pour l’urbanisme : carte communale, PLUI… c’est la même chose à Vaunac et à Strasbourg ! On a multiplié par deux le nombre d’intercommunalités, je ne suis pas certain que c’était nécessaire et qu’on y ait gagné en proximité. » Il observe d’autres structures stratégiques monter en puissance, comme l’établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, « la Safer des collectivités », qui permet d’intervenir sur leurs opérations économiques.

La loi NOTRe, c’est pas la nôtre

Membre du bureau de l’Association des maires de France et siégeant au comité directeur, Bernard Vauriac a présidé la commission santé. « Sans faire partie du sérail, c’est une mission difficile. Nous sommes en crise Covid et dans l’après Ségur de la santé, mais ce n’était pas simple avant non plus. J’ai répondu à des commissions parlementaires, j’ai fréquenté l’ARS et le ministère, la fédération hospitalière de France, l’ordre des médecins sans réussir à faire avancer la question du numerus clausus ni parvenir à freiner la désertification médicale, qui sera vraiment cruciale en 2025. » Localement pourtant, à La Coquille et à Jumilhac, il a pu contribuer en tant qu’élu local à faire naître deux maisons de santé.

Poids économique indispensable

« Petite commune rurale ou grande agglomération, beaucoup d’élus travaillent pour l’intérêt public. Nous avons des partenaires de qualité, que nous devons respecter, dans un système trop concentré. La loi NOTRe nous a enlevé 25 % de nos moyens : on ne peut pas augmenter la fiscalité, une grande part de la population ne paie pas d’impôts sur le revenu. » Le poids économique des collectivités locales est pourtant réel puisque 75 % des investissements en bâtiment et travaux publics sont portés par elles. « On lance moins de travaux, c’est la conséquence de la baisse des dotations. Moins de réseaux, de bâtiments collectifs… Le risque, avec la polémique autour du transfert de la taxe d’habitation sur les impôts d’État, c’est de n’avoir plus à collecter l’impôt et donc de vivre des seules dotations, sans aucune marge de manœuvre. Or, les citoyens votent pour des élus responsables : la décentralisation est une nécessité si l’on veut que les gens s’impliquent. Qu’on nous laisse faire. » Le sort des communes est aussi lié à la diminution des impôts de production, tout ce qui est payé par les entreprises — et la période est difficile aussi pour elles. « Il importe donc de conserver le contact avec le tissu économique local via les chambres consulaires. Il faut arrêter d’effacer peu à peu les échanges avec les corps intermédiaires ou représentatifs. » Bernard Vauriac est ainsi fier d’avoir permis de faire se rencontrer des gens qui auraient pu s’opposer, « je pense au mouvement des gilets jaunes : c’est aussi le rôle d’un élu de la République. »

Petite commune rurale ou grande agglomération, beaucoup d’élus travaillent pour l’intérêt public.

Enfin, l’ancien président de l’Union des maires se félicite d’avoir développé la formation des élus, dans tous les domaines, sur l’ensemble des arrondissements, « avec la venue d’intervenants nationaux de l’AMF pour parler notamment de la fibre et bien d’autres sujets que les chemins ruraux. »

> Le budget de fonctionnement de l’union des maires, 385 000 euros en 2020, dépend essentiellement du Département, mais aussi des cotisations.

À suivre dans notre prochain numéro : rencontre avec Bruno Lamonerie, son successeur à la tête de l’Union des Maires.