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Port de Bayonne : Cap sur la décarbonation

Réduire l’émission de gaz à effet de serre des équipements portuaires et développer des énergies alternatives figurent parmi les priorités de Pascal Marty, directeur du port de Bayonne. L’accueil de projets de transport maritime décarboné comme celui de la start-up Vela s’inscrit dans cette philosophie.

Port de Bayonne

Port de Bayonne ©Richard Lajusticia

« La décarbonation est un sujet prioritaire pour nous », affirme Pascal Marty, directeur du port industriel et commercial de Bayonne. Comme les responsables des 66 ports de commerce maritime français, la CCI Bayonne Pays Basque, gestionnaire du port, et la Région Nouvelle-Aquitaine, propriétaire des infrastructures, doivent répondre au défi de la transition énergétique de leur filière. Le transport maritime international représentait 2,89 % des émissions de CO2 produites dans le monde en 2018. Ce taux augmentera si rien n’est fait. L’empreinte carbone des ports provient pour 60 % des navires mais leurs émissions de gaz à effet de serre en zone portuaire n’en représentent néanmoins qu’une infime partie. Ensuite le transport terrestre (30 %) et les activités des zones portuaires (10 %) s’ajoutent au bilan carbone du transport maritime. Pour se conformer aux objectifs nationaux et européens de décarbonation, les zones portuaires doivent maintenant limiter leurs émissions de CO2.

100 000 navires dédiés au transport maritime mondial ©Alexander Bobrov

Des zones portuaires à transformer

Adopté le 13 octobre dernier, le plan stratégique 2021/2025 du Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) fixe justement la décarbonation des entreprises de sa zone industrielle comme l’un de ses objectifs principaux. Cette stratégie est également envisagée pour le port de Bayonne. « Nous étudions la pose de panneaux photovoltaïques sur une bonne partie de nos hangars et sur ceux de nos clients » envisage Pascal Marty. D’autres technologies de production d’énergie comme la récupération du CO2 industriel sont également examinées. Comme les gestionnaires de ports ne peuvent pas intervenir directement sur la motricité des bateaux, la décarbonation des ports s’opère sur les équipements portuaires et sur la logistique. En plus de limiter l’émission de gaz à effets de serre, le port de Bordeaux ambitionne d’accueillir un site de production d’hydrogène vert. A Bayonne, on y pense aussi.

Pour se conformer aux objectifs nationaux et européens de décarbonation, les zones portuaires doivent limiter leurs émissions de CO2

Les ports de Nouvelle-Aquitaine au salon Hyvolution

Avec l’association Aquitania Ports Link réunissant les ports de Bayonne, Bordeaux, La Rochelle et Rochefort-Tonnay-Charente, Pascal Marty s’est rendu au salon Hyvolution organisé à Paris début février. « L’idée était de discuter avec les principaux acteurs du développement de l’hydrogène de la possibilité d’en fabriquer sur le port de Bayonne » explique-t-il. Une réflexion est également en cours sur un appel à manifestation d’intérêt sur les énergies vertes. Un port peut donc être un lieu de production d’énergie renouvelable susceptible d’alimenter des équipements. A Bayonne les grues du port fonctionnent déjà toutes à l’électricité. « Comme les normes européennes d’électrification des quais n’ont pas encore été établies il est pour l’instant difficile d’équiper les quais pour brancher des bateaux », constate Pascal Marty.

Créée à Bayonne, la société Vela ambitionne la construction d’un bateau à voile pour transporter des marchandises Outre-Atlantique

Des solutions alternatives pour le fret maritime

Mais si l’électrification des presque 100 000 bateaux composant la flotte mondiale du fret maritime est un défi incommensurable, le développement de solutions alternatives est lancé. « Deux porteurs de projets sont venus avec une activité de transport à voile. Nous leur avons donné notre accord et exprimé notre intérêt car les essais seront réalisés à Bayonne », annonce le directeur. Parmi ces deux projets, celui de la société Vela créée en novembre dernier à Bayonne ambitionne la construction d’un bateau à voile pour transporter des marchandises outre-Atlantique.  L’objectif de cette start-up est de convaincre des clients potentiels puis de réaliser une levée de fonds et des emprunts bancaires pour faire construire un bateau d’un budget de 10 à 15 millions d’euros. Parmi les cinq cofondateurs de cette société se trouve François Gabart, skipper professionnel vainqueur de régates prestigieuses.

Le transport à la voile comme une valeur ajoutée

« La Nouvelle-Aquitaine et le Pays basque ont la volonté politique de mener des projets dans le transport maritime décarboné », affirme Pierre-Arnaud Vallon, l’un des cinq associés de Vela, pour expliquer le choix du port de Bayonne comme camp de base. « Nous nous concentrons sur des produits qui ont du sens par rapport au transport maritime décarboné, des produits à haute valeur ajoutée et plutôt issus du savoir-faire et de l’art de vivre français » détaille-t-il. L’idée est donc de convaincre des producteurs de vins, spiritueux, champagne, cosmétique, maroquinerie et parfumerie d’utiliser le transport à la voile comme une valeur ajoutée. L’équipe de Vela imagine un bateau capable d’embarquer entre 300 et 500 tonnes de marchandises chargées sur des palettes pour une traversée de 15 jours. L’idéal serait une flotte de 4 ou 5 bateaux afin d’assurer 8 rotations en moyenne dans l’année. Le projet sera présenté ce printemps.

A l’exemple du voilier-cargo Grain de Sail, des solutions alternatives et durables sont déjà lancées dans le fret maritime

Le voilier-cargo Grain de Sail ©Grain de Sail

La Bretagne déjà opérationnelle sur le transport maritime décarboné

Aussi séduisante soit-elle, l’idée de Vela n’est pas novatrice. Depuis novembre 2020 le voilier-cargo Grain de Sail effectue des traversées transatlantiques en transportant du vin bio français vers New-York et en revenant chargé de cacao de République dominicaine. C’est d’abord pour fabriquer du chocolat dans une philosophie durable que la société Grain de Sail de Morlaix (Finistère) a fait construire une goélette de 24 mètres de long pouvant embarquer 50 tonnes de marchandises. Pour rentabiliser les traversées vers l’Amérique, Grain de Sail embarque des marchandises d’autres entreprises. Preuve de la réussite du concept : une deuxième goélette de 52 mètres de long pouvant transporter jusqu’à 350 tonnes de marchandises est en construction et devrait naviguer en janvier 2024. D’autres projets de voiliers-cargos sont lancés en Bretagne. « Nous voyons l’émergence d’une filière et la France est en avance », se réjouit sportivement Stefan Gallard de la société Grain de Sail. Au port de Bayonne d’être au rendez-vous de ce nouveau défi.

Trafic au port de Bayonne ©Richard Lajusticia

Port de Bayonne : trafic en baisse

Les chiffres officiels du trafic du port de Bayonne en 2022 devraient être communiqués courant février mais une baisse assez importante est attendue. En 2021, ce sont 2 417 227 tonnes de marchandises qui ont transité au port de Bayonne dont 54,48 % en importation. Le trafic se partage entre l’agroalimentaire (40 %) avec principalement du maïs et de l’engrais, l’acier (40%) et les produits chimiques, pétroliers et divers (20 %). Mais le trafic de maïs (34,27% des exportations du port en 2021) a subi les effets de la sécheresse et les faibles rendements de la dernière récolte. Ainsi le 31 octobre dernier, et pour la première fois, un navire de maïs a été déchargé au port de Bayonne alors qu’auparavant le maïs en était uniquement exporté.