Couverture du journal du 17/09/2024 Le nouveau magazine

Port de Bayonne : mutation sur un temps long

Désormais aux commandes du port pour 40 ans, la « société portuaire port de Bayonne » doit en mener la transition énergétique tout en pérennisant et développant ses activités industrielles et commerciales. L’équation est complexe et les enjeux économiques sont capitaux pour le sud aquitain.

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Bruno VIGNES et Pascal MARTY © V.Biard – La Vie Economique

« Nous travaillons sur la transition économique et écologique du port », atteste Pascal Marty. Directeur du port depuis une quinzaine d’années, il est président du directoire de la société portuaire port de Bayonne (SPPB) depuis le 1er juillet en étant secondé par Bruno Vignes, directeur général délégué. La SPBB est une société par actions simplifiée à capitaux publics associant la Région Nouvelle-Aquitaine (70,27 % du capital) et les CCI du Pays basque (27,03 %) et des Landes (2,70 %). La SPBB aura la mission de gestion et d’exploitation du port via un nouveau contrat d’une durée de 40 ans.

Une stratégie de développement bientôt publiée

Ce contrat de délégation de service public prendra effet au 1er janvier 2025 mais il est précédé d’une période transitoire de six mois qui a démarré le 1er juillet dernier pour terminer le contrat en cours. La cinquantaine de salariés employée par la CCI de Bayonne à l’exploitation du port a été transférée vers la nouvelle société. Si celle-ci annonce la publication « d’une stratégie et d’un plan d’affaires associé » durant les prochains mois, les axes de développement du port sont connus et l’équipe opérationnelle dirigée par Pascal Marty est aguerrie.

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© CCI Bayonne Pays Basque

56 entreprises et 1 000 emplois directs

Répartis sur quatre communes (Anglet, Bayonne, Boucau, Tarnos) et sur deux départements (Pyrénées-Atlantiques et Landes), les 128 hectares du domaine portuaire appartenant à la Région Nouvelle-Aquitaine et concédés à la SPPB se partagent entre industries lourdes, ateliers, hangars, zones de fret et friches industrielles. Le défi est immense : comment assurer la transition écologique de ce site industriel de 56 entreprises assurant 1 000 emplois directs, 2 500 emplois indirects et des retombées économiques évaluées à 530 millions d’euros sur le périmètre aquitain tout en intégrant les contraintes environnementales actuelles et futures ?

Les 128 hectares du domaine portuaire se partagent entre industries lourdes, ateliers, hangars, zones de fret et friches industrielles

Un port dans la ville

Implanté au cœur du littoral basco-landais le port de Bayonne s’affiche comme « un port dans la ville » qui « s’est engagé à concilier ses intérêts avec ceux des populations, à préserver la biodiversité et à interagir avec la vie de la cité ». Si les touristes apprécient le spectacle du flux des bateaux, certaines associations de riverains sont vigilantes, et parfois même hostiles, aux activités des industries lourdes situées sur le terminal de Tarnos. Avec une superficie de 17 hectares mobilisables, celui-ci focalise le défi de transformation écologique et énergétique du port.

36 % du trafic avec le métal

Le terminal de Tarnos, également implanté sur la commune du Boucau, accueille le laminoir des Landes et Celsa France, deux entreprises aux activités proches. « Le laminoir des Landes réceptionne des brames de 30 tonnes, les passe au four puis dans des rouleaux cylindriques pour produire des tôles d’acier à l’épaisseur demandée par les industriels. Celsa recycle de la ferraille, la fait fondre, la transforme en fil machine utilisé en treillis soudé dans la construction », résume Olivier Fayola, responsable commercial du port. L’import/export de métal engendré par ces laminoirs s’est élevé à 839 224 tonnes en 2023 sur un total de 2,3 millions de tonnes de trafic du port.

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Terminal de Tarnos © Celsa France

Transition énergétique au programme

Voisines des laminoirs de Celsa France, les cuves de la société Alkion stockent du vrac liquide (120 000 m³ de produits chimiques, hydrocarbures, huiles) et ont besoin de chaleur pour être régulées. Récupérer la chaleur perdue par les fours de l’aciérie de Celsa France et l’utiliser pour maintenir les cuves d’Alkion à la température exigée est un exemple d’économie circulaire imaginé par les équipes du port de Bayonne. Reste à convaincre les deux entreprises et à résoudre les difficultés techniques inhérentes à ce type de projet surtout dans une installation classée Seveso à seuil haut comme Alkion.

Le port de Bayonne est le seul à avoir 100 % de son parc constitué de grues électriques

Du bois à la place du gaz

Également implantée sur le terminal de Tarnos, l’entreprise Timac Agro y produit 300 à 350 000 tonnes d’engrais par an. Ses matières premières (azote, potasse, phosphore…) lui sont livrées par bateau via une bande transporteuse directement reliée au quai. Ses besoins en chauffe lui sont dorénavant fournis par une chaudière à bois qui la libère de l’utilisation du gaz. La société appartient au groupe Roullier qui possédait l’usine Fertiladour en activité de 1973 à 1992 sur un terrain voisin de la commune du Boucau en cours de dépollution. Sujet extrêmement sensible, l’histoire de ce site ne concerne pas la société portuaire du port de Bayonne (SPPB) puisque le terrain se situe hors du périmètre qui lui a été concédé.

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Terminal de Blancpignon © Port de Bayonne

Des friches industrielles à valoriser

Les terrains disponibles sur le terminal de Tarnos ont une superficie de 17 hectares. Avec l’objectif national du « zéro artificialisation nette » visant la préservation d’espaces naturels, les friches industrielles sont priorisées pour l’installation de nouvelles entreprises. Mais reconquises par la faune et la flore, certaines friches du port de Bayonne accueillent maintenant des espèces protégées. Pas simple d’y développer des projets d’autant que le port de Bayonne s’est engagé dans « l’implantation d’activités portuaires vertueuses et innovantes ».

Décarbonation des activités portuaires

Embauchée depuis quelques mois, une chargée d’écologie industrielle et territoriale, Gracianne Mirande Bec, a notamment pour mission de développer l’économie circulaire. Ainsi une soixantaine de tonnes de morceaux de bois utilisés annuellement pour caler des brames (pièces d’acier de 30 tonnes) sont désormais fournies à des tiers (agriculteurs, associations) alors qu’elles étaient auparavant détruites. Par ailleurs, le port de Bayonne est le seul à avoir 100 % de son parc constitué de grues électriques. En cours de finalisation, le bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) est présenté comme « un point de départ au regard des ambitions affichées de décarbonation des activités portuaires. »

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Déchargement de brames © Port de Bayonne

Méthanisation et hydrogène

Récupérer des biodéchets pour les transformer en gaz vert sur le port de Bayonne afin de fournir les industries locales est un exemple de production d’énergie verte. « À l’échelle portuaire, nous étudions l’implantation d’une usine de méthanisation », affirme Olivier Fayola. La société Gaz Réseaux de France (GRDF) a récemment annoncé le lancement de 7 projets privés de centres de méthanisation dans les Pyrénées-Atlantiques. On espère que l’un de ces projets se réalise sur le port de Bayonne. À la suite du récent appel à manifestation d’intérêt « décarbonation, transition énergétique et valorisation économique du foncier portuaire » du port de Bayonne, la production d’hydrogène à partir d’énergies vertes et la production d’électricité décarbonée sont également à l’étude.

Pas d’industries lourdes à Saint-Bernard

Situé sur 37 hectares de la commune de Bayonne, le terminal de Saint-Bernard est dédié aux activités de vrac (tourbe, écorces et plaquettes de bois…) avec 150 000 à 200 000 tonnes de trafic. Ses 30 hectares de foncier disponibles suscitent bien des convoitises mais ne pourront pas accueillir des industries lourdes comme à Tarnos. « Nous recevons des demandes d’implantation, pas forcément en lien avec le trafic maritime mais plutôt avec la transition énergétique, les énergies marines renouvelables et la décarbonation ainsi que des entreprises cherchant à s’implanter dans le Sud-Ouest où le foncier disponible se raréfie », témoigne Olivier Fayola.

Une plateforme multimodale à Bayonne

Tous les terminaux du port disposent d’embranchements ferroviaires et sont reliés directement à la gare de triage de Bayonne. Celle-ci est située sur le corridor Atlantique, l’un des quatre corridors de fret ferroviaire européen traversant la France. La société portuaire du port de Bayonne a déposé un dossier européen de financement de travaux d’aménagement du terminal de Saint-Bernard pour accueillir du trafic ferroviaire en lien avec le maritime. Proposer une alternative ferroviaire aux 17 000 camions qui traversent la frontière chaque jour pour aller vers le nord est éminemment vertueux. Mais l’élaboration d’une telle offre logistique multimodale exige des prestations complémentaires et des partenariats internationaux. Des solutions logistiques associant le port de Barcelone et celui du Havre sont à l’étude.

Rester compétitif sur le trafic

Ayant comptabilisé 458 escales de navires (374 vraquiers et 84 chimiquiers) en 2023, le port de Bayonne n’a pas vocation à réceptionner des porte-conteneurs géants. Accueillant des bateaux de 180 mètres au maximum, le port investit dans l’évolution de ses infrastructures (quais, grues) pour répondre aux exigences (volume, rythme) du trafic et ainsi rester compétitif. Les travaux de rallongement du quai du terminal de Blancpignon à Anglet se terminent. 24 millions d’euros ont été investis pour porter le front d’accostage à 600 mètres. Deux bateaux de grande taille pourront dorénavant y accoster simultanément et générer davantage de recettes à la société portuaire. Celle-ci ne peut pas miser sur le seul foncier pour perdurer et il est donc capital que l’activité portuaire soit pérennisée pour au moins 40 ans.

Le domaine portuaire en chiffres

145 hectares dont 128 concédés à la CCI Bayonne Pays basque
72,9 hectares aménagés sur les trois terminaux du port
46 hectares de réserve foncière