Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Pyrénées-Atlantiques – Vent d’optimisme dans le BTP

Alors que se tenait l’assemblée générale de la Fédération du BTP 64 ce 12 mai, son président Sébastien Labourdette, tout juste réélu, nous a déroulé sa feuille de route pour les trois prochaines années. L’occasion également pour le Palois, président de l’entreprise Sogeba, de poser un regard encourageant sur un secteur pourtant chahuté.

Sébastien Labourdette, Président de la Fédération du BTP 64

Sébastien Labourdette, Président de la Fédération du BTP 64 © Cyril Garrabos

La Vie Economique : Vous venez d’être réélu pour un mandat de 3 ans à la présidence de la fédération du BTP des Pyrénées-Atlantiques. Quelle est votre feuille de route ?

Sébastien Labourdette : « Elle est en trois axes. Le premier concerne l’emploi et la formation. Aujourd’hui, 2 200 offres d’emploi restent à pourvoir dans le BTP sur le département : face à ce constat, nous avons pris la décision de former des salariés pour les amener au BTP. Il y a plusieurs possibilités dont l’apprentissage, pour commencer, notamment avec notre CFA du BTP, à Pau, où 520 jeunes sont actuellement inscrits (et nous comptabilisons 800 contrats d’apprentissage en 2022 sur les Pyrénées-Atlantiques). Par ailleurs, nous déployons avec la fédération un service emploi qui propose de l’assistance aux entreprises, depuis la paie, le service social, mais aussi le recrutement et la formation de nos salariés et de nos dirigeants. Des actions concrètes seront également mises en place, comme un Camion de l’Emploi qui ira présenter les métiers et les innovations du BTP sur tout le département pour essayer de rendre le métier attractif. »

 

LVE : La difficulté de recrutement que vous évoquez est une problématique récurrente dans vos métiers. Diriez-vous que ces derniers souffrent d’un déficit d’image ?

S.L. : « Oui, malheureusement. C’est d’ailleurs notamment en ce sens, et il s’agit de mon deuxième axe de travail pour ce mandat, que nous allons mettre en place un service communication au sein de notre fédération. Il va permettre à nos adhérents, pour majorité dirigeants de petites entreprises, de déployer des outils de communication propres à leur société. Ils seront accompagnés pour la création de leur site Internet, l’animation de leurs réseaux sociaux etc., pour promouvoir leur entreprise mais aussi la rendre attractive. En effet, derrière l’enjeu de la communication, il y a aussi l’objectif de redonner une image vertueuse aux métiers du BTP qui œuvrent pour le bien commun et au service de tous. On a de quoi montrer des choses réelles et concrètes réalisées par des entreprises, qui contribuent largement au développement d’un territoire et à améliorer le cadre de vie des citoyens. À ce titre, on ne mérite pas ce déficit d’image : développer la communication nous aidera à démystifier nos métiers. »

 

LVE : On parle beaucoup de féminisation des métiers du BTP. Dans les Pyrénées-Atlantiques aussi ?

S.L. : « La gent féminine est en effet de plus en plus présente et ce dès l’apprentissage. D’une part parce que les « vieux » clichés n’existent plus dans les métiers de la construction, et d’autre part parce que la mécanisation le permet. Aujourd’hui, la dose de préfabrication est très forte même sur la partie gros œuvre, je pense au béton par exemple, et tout est posé grâce à des machines ce qui induit beaucoup moins de contraintes physiques. Cela demande par ailleurs d’autres compétences et connaissances liées au digital et au numérique. »

Les femmes sont de plus en plus présentes dans le bâtiment et ce dès l’apprentissage.

LVE : Quel est le troisième et dernier volet de votre mandat, après la formation et la communication ?

S.L. : « Il est davantage patrimonial. Nous n’avons pas de Maison du BTP au Pays basque : nous allons donc la construire d’ici 3 ans à Bayonne. Nous louons actuelle- ment des bureaux à la CCI mais nous sommes à l’étroit. Nos 350 adhérents sur cette partie du département méritent une Maison du BTP adaptée à ce que représente le poids économique de ces entreprises. De la même façon, à Pau, nous construirons un bâtiment qui jouxtera l’actuelle Maison du BTP 64 pour y abriter les espaces de formations destinés à nos collaborateurs et nos chefs d’entreprises, que j’évoquais plus avant. »

Nous allons construire la Maison du BTP à Bayonne d’ici 3 ans.

btp

© Cyril Garrabos

LVE : La transmission des entreprises est également un vrai sujet ?

S.L. : « Nous avons en effet créé cette année un service transmission d’entreprise à la fédération du BTP 64. Nous avons globalement une courbe sur la moyenne des âges des chefs d’entreprises plutôt élevée et plus d’une vingtaine de dossiers par an de gérants qui à l’âge de la retraite, ne savent pas quoi faire de leur entreprise. Une personne a donc été recrutée pour nous aider sur ce sujet et accompagner les dirigeants, en les mettant en relation notamment avec des repreneurs potentiels que nous avons identifiés. Un expert-comptable par exemple pourrait le faire, mais il n’aura pas notre expertise du métier, du savoir-faire. Et puis cela se fait en confiance, parce que le BTP est une grande famille. »

 

LVE : Cette feuille de route, aux projets concrets, est volontaire et positive. La situation économique ne vous freine pas dans cet élan ?

S.L. : « Nous avons eu le Covid, la hausse des prix des matières premières, de l’énergie, l’inflation… Et nous nous sommes forgés face à ces difficultés. Aujourd’hui nous sommes toujours dans un contexte agité et nous faisons par ailleurs face à des obstacles, des recours sou- vent qualifiés d’abusifs qui font perdre du temps à tous les projets. Pour exemple, on prévoyait de construire 5 000 logements sur les Pyrénées-Atlantiques l’an dernier : les conséquences de ces procédures ont ramené ce chiffre à 4 000 alors que, dans le même temps, on a accueilli 3 000 personnes de plus dans le département. C’est dans ces moments-là que la commande publique, qui représente la moitié des commandes du BTP, doit être forte et exemplaire pour donner de la visibilité à nos entreprises et les aider à mener des projets sur des temps longs. Il faut qu’elle soit ambitieuse et qu’elle porte les investissements pour pouvoir continuer à alimenter les entreprises et le tissu économique qui en découle. »

 

LVE : À vos yeux, la commande publique est frileuse ?

S.L. : « Je vais être factuel : les élus locaux sont motivés et veulent se donnent les moyens de leurs ambitions. Mais les contraintes normatives, les législations qui viennent s’empiler et qui n’en finissent plus, à l’image de la RE2020 qui représente 7 % de surcoût en plus sur la construction, viennent mettre à mal la construction. Nous, professionnels du BTP, demandons une pause normative forte. Le secteur a tout à fait compris qu’il fallait arrêter de polluer et qu’il était nécessaire de s’adapter de manière vertueuse. En revanche, aller trop loin sur la norme pour pouvoir dire « je lave plus blanc que blanc » induit une addition des coûts et des contraintes qui ne permettent pas à tous les projets des collectivités de voir le jour. »

 

LVE : Malgré ces difficultés, comment anticipez-vous les années à venir pour le BTP sur le département ?

S.L. : « Il y a un mot clé, et cela s’adapte également à la partie privée : c’est la confiance. Même si l’inflation et les taux d’intérêt sont toujours à la hausse, ce qui ne vient pas aider à la dynamique de construction, il faut arrêter de jouer à se faire peur à dire que tout augmente… Il faut être positif : l’année 2023 sera charnière. Je suis un pragmatique, il y a des besoins et je m’accroche à ça. Nous avons dans les Pyrénées-Atlantiques une démographie croissante et une activité économique, je suis très optimiste pour la suite. Oui, le cycle inflationniste nous prend en étau, il faut juste attendre que tout cela s’équilibre et se stabilise. Nous sommes peut-être sur un petit temps d’arrêt actuellement mais pas sur le long terme. A nous de trouver des solutions et de les proposer. Je pense par exemple qu’il faut arrêter de construire en permanence sur des zones non bâties. Il faut malgré tout rester cohérent : le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), dans des communes rurales, ce n’est pas possible. En revanche, dans des villes comme Pau, je suis favorable à regarder comment réhabiliter de l’existant. »

Il faut arrêter de jouer à se faire peur et être positif : l’année 2023 sera charnière.

LVE : Les entreprises du BTP ont-elles saisi cette nécessité de se concentrer aussi sur les biens existants ?

S.L. : « Nous, entrepreneurs, devons changer de logiciel et devons réinventer des schémas pour nous inscrire durablement sur l’environnement. Il faut que nous arrêtions de vouloir construire du neuf, partout. Faire de la déconstruction et de la reconstruction, de l’économie circulaire avec des biens existants, c’est un projet à l’infini. Le bâtiment ERDF à Billère, à l’abandon depuis 15 ans et qui sera réhabilité en appartements, en est un parfait exemple. Et c’est par ailleurs un projet porté par Pau Béarn Habitat, où il y a intervention de la commande publique. C’est ce modèle là que je veux appuyer aujourd’hui. »

© Cyril Garrabos

La fédération du BTP 64 en chiffres

720 entreprises

85 % de ces entreprises ont moins de 10 salariés 12 000 salariés et 2 000 intérimaires

36 métiers représentés

1 agence à Pau (siège social) et 1 agence à Bayonne

42 membres élus au Conseil d’administration dont 18 membres du bureau