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Semaine de 4 jours : une réflexion à mener

En France, bien qu’encore fortement minoritaire, l’idée d’une répartition sur quatre jours de la durée collective hebdomadaire de travail fait son chemin et quelques entreprises ont même franchi le cap.

Stéphanie DUGOUJON, avocate associée – Juri Lawyers Consultants (JLC) - Marmande semaine de 4 jours

Stéphanie DUGOUJON, avocate associée – Juri Lawyers Consultants (JLC) - Marmande © Louis Piquemil La Vie Economique

La Belgique, le Royaume-Uni, l’Espagne ou encore l’Islande ont déjà pour leur part intégré la semaine de 4 jours dans leur organisation du travail.

Il faut dire que depuis le télétravail qui a été imposé en 2020, les entreprises se sont habituées à ce que l’ensemble de leurs salariés ne soient pas sur place tous les jours de la semaine. De plus, l’état actuel du marché du travail ou encore les aspirations et motivations des salariés d’aujourd’hui obligent le chef d’entreprise à étudier une organisation du travail sur 4 jours.

La semaine de 4 jours est une modalité d’organisation légalement possible

La semaine de quatre jours est une modalité d’organisation légalement possible mais elle n’est en aucun cas obligatoire. Les employeurs n’ont pas à en avoir peur, puisqu’elle ne se fera qu’avec leur accord.

BAISSE DU TEMPS DE TRAVAIL

Les raisons et enjeux côté entreprise sont variés pour réfléchir à une telle organisation.

Elle peut être mise en place dans le cadre d’une baisse du temps de travail avec un passage à 32 heures voire 28 heures avec ou sans diminution de salaire selon les cas et ce notamment pour éviter des licenciements.

À l’inverse, la nécessité d’accroître l’activité de l’entreprise peut conduire à repenser l’organisation du temps de travail avec des équipes alternantes et chevauchantes.

SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE

La semaine de quatre jours peut également être mise en place contre un gel des salaires ou pour attirer des salariés, en particulier la nouvelle génération très sensible au bien-être au travail et à l’équilibre vie professionnelle/ vie privée.

La semaine de quatre jours peut également être conçue comme un moyen de faire des économies d’énergie (sobriété énergétique) ou pour améliorer la rentabilité en partant du principe suivant : plus reposé, le salarié est plus efficace et concentré (augmentation de gains de productivité, baisse de l’absentéisme).

PERSPECTIVE APPRÉCIÉE DES SALARIÉS

Coté salarié, la perspective d’un week-end de trois jours est très appréciée, bien qu’en pratique, la formule retenue n’est pas toujours l’octroi de 3 jours consécutifs non travaillés. La journée disponible pour les besoins de la vie personnelle (démarche administrative, consultation médicale, temps consacré à la famille ou aux loisirs…) ou les économies sur les frais de transports sont présentées comme des avantages non négligeables. Pour autant, une plus longue journée de travail ne convient pas à tout le monde (problème de garderie, système de rotation avec jours de repos variant perturbant l’organisation de la vie familiale).

ACCORD D’ENTREPRISE

D’un point de vue réglementaire, des outils juridiques existent pour permettre aux entreprises, qui le souhaitent, de passer à la semaine de quatre jours. S’agissant d’une modalité collective, il est conseillé de conclure un accord d’entreprise au titre du dialogue social bien qu’une simple décision unilatérale semble possible au regard des textes permettant à l’employeur de répartir unilatéralement la durée hebdomadaire de travail (ancien article L212-1-1 du Code du travail)

Le comité social et économique devra, au titre de ses attributions, être préalablement consulté.

S’agissant des organisations envisageables, il peut s’agir d’un horaire identique sur chacun des jours travaillés ou différents d’un jour à l’autre avec un jour non travaillé identique ou différent, accolé ou non au week-end. Certaines entreprises ont mis en place une alternance du lundi au jeudi et du mardi au vendredi une semaine sur deux. La semaine de quatre jours n’est pas forcément à appliquer uniformément à toute l’entreprise. Elle peut l’être par établissement, unités de travail, par catégorie professionnelle ou sur la base du volontariat.

La répartition sur 4 jours doit naturellement respecter les durées maximales de travail (10 heures par jour)

Le passage à 4 jours s’accompagne ou non d’une réduction du temps de travail. En général les entreprises ne réduisent pas le temps de travail mais le répartissent différemment. Quand il y a réduction du temps de travail à 32 heures, le salaire antérieur est en général maintenu ce qui revient à une augmentation de salaire du taux horaire de 11,43 %. La répartition sur 4 jours doit naturellement respecter les durées maximales de travail (10h par jour) et les heures supplémentaires sont donc limitées sur la journée mais peuvent être réalisées sur les jours de repos.

Avant de se lancer dans la semaine à 4 jours, il est nécessaire de se poser un certain nombre de questions et envisager les impacts de cette nouvelle organisation. Le salarié quant à lui ne peut refuser de travailler quatre jours par semaine que lorsque cette nouvelle répartition de l’horaire hebdomadaire entraîne une modification de son contrat de travail.

Cela sera le cas si les anciens horaires ont été expressément ou implicitement contractualisés. (Ce cas de figure est assez rare, n’est en revanche pas concerné celui dont les horaires mentionnés dans son contrat ne le sont qu’à titre d’information), si la réduction de la durée du travail s’accompagne d’une baisse de salaire ou si le passage à la semaine de quatre jours entraîne un bouleversement majeur de sa vie personnelle ou n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses.

Si la modification de son contrat n’est pas caractérisée, le refus du salarié accompagné d’un passage à l’acte peut justifier son licenciement pour faute. Dans le cas contraire, l’entreprise peut renoncer à lui appliquer la nouvelle répartition ou procéder à son licenciement, lequel est en principe nécessairement économique, car reposant sur un motif non inhérent au salarié.

PESER LE POUR ET LE CONTRE

Vous l’aurez compris avant de chambouler l’organisation, il est primordial de peser le pour et le contre. Il est nécessaire d’engager une phase de concertation et il peut être envisagé une phase d’expérimentation avant de mettre en place de façon définitive une telle organisation avec éventuellement une clause de réversibilité. Nous vous invitons donc à vous rapprocher de votre Conseil afin d’engager une telle réflexion et d’étudier les modalités de mise en œuvre.

EXEMPLE D’INTERROGATIONS

– Quel objectif poursuivons-nous ? C’est la question essentielle, car elle commande tout ce qui va suivre. Si le but premier est d’améliorer le bien-être du salarié au travail ou de limiter l’ouverture de l’entreprise à quatre jours, il est clair qu’il convient de bloquer le repos sur trois jours consécutifs. Si l’idée consiste à maintenir l’entreprise en activité sur cinq jours, voire sur six, on ira plutôt vers un roulement. De même, la détermination du nombre d’heures à effectuer sur ces quatre jours dépend de la raison qui préside au lancement du projet.

  • La durée du travail sera-t-elle réduite ? Si oui, avec ou sans réduction de salaire ?
  • L’ouverture de l’entreprise est-elle oui ou non calquée sur l’horaire des travailleurs ?
  • Qui décide du jour supplémentaire de repos ?

Est-il intangible ou doit-il varier d’une semaine à l’autre ?

– S’applique-t-elle à toute l’entreprise ou à certaines unités de travail, à certaines catégories professionnelles ?

Si oui, lesquelles ?

– Le volume de l’effectif sera-t-il affecté ?

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