La situation financière de l’État, qui, rappelons-le, est le bien commun à l’ensemble des Français, est très inquiétante, voire catastrophique. Le montant de sa dette a dépassé les 3 200 milliards d’euros et représente près de 113 % du PIB. La situation nette de son bilan (Somme des actifs – Somme des dettes), est négative de 1 875 milliards d’euros au 31 décembre 2023, sachant que les droits acquis au titre de la retraite par les fonctionnaires de l’État figurent en engagements hors bilan dans l’annexe. Or, le montant de ces droits acquis s’élève à 1 840 milliards d’euros. Si le choix avait été fait de les comptabiliser en provisions pour charges (ce qui est la méthode préférentielle pour les entreprises privées), le montant des capitaux propres serait négatif de 1 875 milliards + 1 840 milliards d’euros, soit un montant de 3 715 milliards. Et, à ce jour, c’est sûrement un montant de 3 800 milliards d’euros de situation nette négative qui a été atteint.
Un niveau d’endettement à la limite du supportable
Par sa politique budgétaire irresponsable depuis plus de 40 ans, la France est le talon d’Achille de l’Europe et de la zone Euro. Et arrêtons de nous dire que le budget de l’État français ne doit pas être géré comme celui d’un ménage ou d’une entreprise privée. Un argument qui ne tient pas et qui est le fruit de l’hypocrisie.
Si on ne s’intéresse qu’à la dette, et ceci à titre de comparaison, elle ne représente que 65 % du PIB en Allemagne et celle des pays de la zone Euro s’élève en moyenne à 92 % du PIB. Le niveau d’endettement de la France est à la limite du supportable et, n’y allons pas par quatre chemins, le montant de la dette française est colossal. La France est l’enfant malade de l’Europe et sa situation financière est de nature à fragiliser, voire mettre en danger, la construction européenne.
Le déficit a dérapé
En termes de finances publiques, la France est donc le maillon faible de l’Union européenne avec un déficit budgétaire qui a « dérapé » en 2023 (-6,5 % du PIB) et en 2024 (-6,1 % du PIB) alors que, selon les critères de Maastricht, il ne devrait pas dépasser 3 %. Son endettement est également hors norme dans la mesure où il atteint 113 % du PIB (alors que selon les mêmes critères, il n’aurait pas dû dépasser le seuil de 60 %).
Les chiffres en valeur absolue ont tendance à mieux nous parler que ceux exprimés en pourcentage. En 2024, le déficit budgétaire devrait atteindre 166 milliards d’euros, ce qui signifie que pour 372 milliards d’euros de recettes fiscales (soit près d’un milliard par jour, ce qui n’est pas rien), le montant des dépenses avoisinerait les 538 milliards d’euros.
Collecte des impôts liée aux revenus perçus
Autre élément important : les principales recettes fiscales sont constituées de l’impôt sur le revenu à hauteur de 93 milliards d’euros, de l’impôt sur les sociétés pour un montant de 72 milliards d’euros et de la TVA à hauteur de 101 milliards d’euros. La collecte des impôts en France est directement liée aux revenus perçus (du travail et du capital) et à la consommation des ménages, mais également à la compétitivité des entreprises (base de calcul de l’impôt sur les sociétés). Sur la base des impôts actuels, pour que l’impôt rentre, il convient que les Français aient des revenus qui augmentent, que cela se transforme en consommation, fruit de la confiance, et par une performance toujours meilleure des entreprises françaises de toute taille.
C’est quand même curieux de taxer une entreprise qui rend du capital aux actionnaires
Hausse des recettes et réduction des dépenses
Un vent d’inquiétude semble saisir les services des finances de l’État. Dans ce contexte, qu’en est-il du projet de loi de finances 2025 ? Il prévoit, d’une part, une hausse des recettes fiscales de l’ordre de 20 milliards d’euros et une réduction des dépenses de 40 milliards d’euros. La hausse des impôts concerne les entreprises à hauteur de 14 milliards d’euros et les particuliers à hauteur de 6 milliards d’euros.
Concernant les entreprises, est proposé aux parlementaires le vote de trois mesures : un impôt sur les sociétés supplémentaire, une taxe exceptionnelle sur les entreprises de transport maritime et une taxe sur les rachats d’actions.
Les grandes entreprises taxées
Première mesure, l’État souhaite faire participer de manière temporaire et exceptionnelle les plus grandes entreprises, c’est-à-dire celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, soit 400 entreprises. Le mode de calcul est « original » car la contribution, si elle est votée, sera égale à 20,6 % de l’impôt dû au titre de 2024 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros et inférieur à 3 milliards d’euros, et à 41,2 % de l’impôt dû pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards d’euros. La contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises rapporterait 8 milliards d’euros. Et, par ailleurs, l’État renoncerait à un dividende perçu de la part d’EDF de 2 milliards d’euros. Les anciens actionnaires minoritaires d’EDF (les « petits porteurs ») seront heureux de l’apprendre après qu’ils ont été mis devant le fait accompli d’une privatisation de cette société qui est revenue dans le giron de l’État, après un effondrement de son cours de Bourse.
Deuxième mesure, il est proposé aux parlementaires d’instaurer une taxe exceptionnelle sur les entreprises de transport maritime dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros. La taxe serait égale à 9 % du résultat d’exploitation.
Contribution sur les hauts revenus
Troisième mesure, une taxe égale à 8 % du montant des rachats d’actions serait instaurée. C’est quand même curieux de taxer une entreprise qui rend du capital aux actionnaires, situation qui existe quand l’entreprise n’a pas besoin de fonds pour financer de nouveaux investissements qui ne s’avéreraient pas pertinents à l’instant t.
Concernant les particuliers, une contribution temporaire sur les hauts revenus est tout d’abord proposée. Elle concerne les célibataires dont le revenu de référence est supérieur à 250 000 euros pour un célibataire ou 500 000 euros pour un couple. Pour les personnes concernées, leur impôt devrait être calculé sur un taux minimum de 20 %. Cette contribution sur les hauts revenus rapporterait 8 milliards d’euros. Ensuite, les droits d’accise sur l’électricité en sortie du bouclier tarifaire seraient revus à la hausse, ce qui rapporterait l’équivalent de 3 milliards d’euros. Enfin, une augmentation des malus sur les émissions de CO2 des véhicules de tourisme est prévue. C’est un mix de taxation d’une partie de nos élites, de fiscalité écologique punitive et de rééquilibrage du tarif global de l’électricité.
C’est bien peu
En complément, les dépenses de l’État seraient réduites de 40 milliards d’euros : celles de l’État proprement dit de 22 milliards, celles de protection sociale de 15 milliards, et celles des collectivités locales de 5 milliards.
Tout ceci me semble bien peu par rapport aux enjeux cruciaux de la période. Après un déficit budgétaire estimé pour 2024 à 166 milliards d’euros, celui de 2025, après prise en compte des compléments de recettes et des réductions des dépenses, resterait à un niveau stratosphérique de l’ordre de 140 milliards d’euros.
On pourrait « nationaliser » la dette de l’État en proposant un emprunt d’État souscrit par les Français pour réduire notre dépendance extérieure
Responsabilité collective
Pour conclure, cinq types de mesures complémentaires pourraient être mis en place : « nationaliser » la dette de l’État en proposant un emprunt d’État souscrit par les Français pour réduire notre dépendance extérieure, augmenter la durée du temps de travail pour « booster » le taux de croissance par une politique de l’offre renforcée, accroître le taux d’emploi, réduire drastiquement les dépenses de l’État qui ne contribuent pas à la mission de service public (en deux mots, les gaspillages), et enfin, modifier la Constitution afin d’interdire de voter un budget en déficit (nos amis et partenaires allemands l’ont fait).
Nos enfants l’attendent et l’espèrent. Notre responsabilité collective est immense et il n’est plus possible d’attendre. On ne peut pas laisser décemment aux générations futures 3 200 milliards de dettes, une pression fiscale très élevée sur les revenus du travail et un prix de l’immobilier qui a explosé depuis 30 ans dans les lieux où se situent l’emploi et donc, les espaces de la vie moderne. Au risque de la fuite de nos jeunes cerveaux les plus brillants (on en retrouve beaucoup dans la Silicon Valley), du découragement d’une partie de la jeunesse, voire d’un refus de participer au système économique et social. Une première victime en serait le système de retraite par répartition.