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Promotion du vin : les sanctions en question

Par une décision du 5 mai dernier le Conseil d’État a une nouvelle fois estimé que la réglementation française relative aux sanctions prévues pour non-respect des conditions d’attributions des subventions aux promoteurs de vin était contraire au droit européen (CE, 5 mai 2023, n° 446778, C). Une décision qui devrait pousser le Gouvernement à réécrire les textes en la matière.

Nicolas TAQUET, avocat au Barreau de Pau vib

Nicolas TAQUET, avocat au Barreau de Pau © Cyril Garrabos

UNE POLITIQUE DE SUBVENTION EUROPÉENNES

La politique européenne en matière de soutien à la filière vin consiste principalement en l’octroi de subventions provenant de différents fonds européens : FEAGA (fonds européen agricole de garantie), FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural)… Naturellement, ces subventions provenant de fonds européens, c’est du côté de la réglementation européenne que se trouvent les principales conditions à leur octroi : règlement (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole et règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008. Ces conditions tiennent d’abord à la nature des projets financés (par ex. : construction, réhabilitation ou amélioration de tout ou partie de bâtiments d’un chai ; acquisition de matériel ; actions de promotion des produits vitivinicoles sur les marchés des pays tiers, distillation des sous-produits de la vinification…). La réglementation fixe également des conditions tenant à la réalisation des actions financées (d’abord et avant tout effectivité des actions financées, délais de réalisation …). Ces textes laissent enfin le soin aux États membres de sanctionner les comportements irréguliers.

LA GESTION FRANÇAISE DES SUBVENTIONS

Dans ce contexte de réglementation européenne, la politique nationale en la matière est naturellement « corsetée ». L’État a toutefois deux leviers d’action : d’une part il doit compléter la réglementation européenne en la précisant et d’autre part, c’est à lui que revient la gestion des aides.

En France, c’est donc l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), établissement public sous tutelle du ministère de l’Agrculture, qui est désigné par le Gouvernement pour gérer ces subventions européennes. Son rôle est prépondérant à tous les stades.

D’abord, il accorde les subventions après instruction des dossiers déposés. Si l’instruction des dossiers se fait au regard des conditions exposées dans la réglementation européenne, elle se fait également vis-à-vis de la législation nationale qui doit lui être conforme.

Ensuite, FranceAgriMer a pour mission de contrôler le bon respect des conditions d’octroi des subventions. Il peut ainsi opérer des contrôles sur pièces ou des contrôles sur place.

Enfin, en cas d’anomalie et de constat de violation de la réglementation, FranceAgriMer est chargé de sanctionner les exploitants ou négociants. Ces sanctions consistent le plus souvent en le remboursement des avances déjà perçues et parfois en des pénalités importantes. Ces sanctions s’opèrent via l’émission d’un titre de perception que le bénéficiaire de l’aide peut contester.

Dans ce contexte de réglementation européenne, la politique nationale est naturellement « corsetée »

DES SANCTIONS NATIONALES CONTRAIRES AU DROIT EUROPÉEN

Les sanctions relatives aux actions de promotion dans les pays tiers sont prévues dans l’arrêté du 16 février 2009. Cet arrêté prévoit que lorsqu’un contrôle fait apparaître que le montant des subventions aurait dû être inférieur à ce qu’il a effectivement été, le montant de cette aide est finalement revu à la baisse par tranches : 5 %, 10 %, 25 % et 50 %. Lorsque le montant de l’aide a été calculé sur la base d’une fausse déclaration du bénéficiaire, l’aide est entièrement supprimée. Tous ces montants sont majorés des intérêts au taux légal.

Or, selon le Conseil d’État, ces sanctions sont calculées « selon une règle strictement arithmétique, exclusivement liée à la proportion du montant de l’aide dont le contrôle a révélé qu’il avait été indûment perçu par rapport au montant de l’aide initialement retenu ». Problème : la juridiction estime que ce mode de calcul ne prend pas en compte « la nature et la gravité des irrégularités qui ont été commises » alors que la réglementation européenne en la matière prévoit justement que les sanctions doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives » et que leur montant doit être fonction de « la nature et de la gravité de l’irrégularité, du bénéfice accordé ou de l’avantage reçu et du degré de responsabilité ».

Selon le Conseil d’État, ces sanctions sont calculées « selon une règle strictement arithmétique »

Ainsi, comme l’a jugé récemment la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans un litige similaire, lorsque FranceAgriMer ne prend pas en compte d’autres éléments que ces simple données arithmétiques, sa sanction doit nécessairement être annulée (CAA de Bordeaux, 5 octobre 2021, n° 20BX01765).

Cette décision de la plus haute juridiction administrative française n’est pas neuve (précédent : CE, 10 mars 2020, n° 420244, B). Elle devrait donc pousser le Gouvernement à revoir ses règles qui déterminent le montant des sanctions.