Société à mission : un engagement exigeant mais fertile

Pourquoi un tel engouement pour la société à mission ? Effet de mode ou transformation de fond ?

Alice Claverie : L’engouement est réel, mais je pense que nous vivons surtout un basculement de fond. Il ne s’agit pas de coller une étiquette « responsable » pour se rassurer ou séduire. La société à mission invite l’entreprise à redéfinir ses racines. Elle touche à son ADN. Pour celles qui prennent ce chemin au sérieux, c’est une occasion rare de remettre du sens au cœur du projet d’entreprise. Une manière de fertiliser son modèle, sa gouvernance et ses relations par la consultation des parties prenantes et l’analyse de sa chaîne de valeur.

Quelles erreurs voyez-vous le plus souvent dans les démarches engagées trop hâtivement ?

Beaucoup d’entreprises confondent vitesse et précipitation. Il arrive qu’elles nous appellent à quelques semaines d’une assemblée générale pour émettre l’avis de vérification qui consiste à s’assurer de l’exécution de la mission depuis 18 à 24 mois, alors qu’un socle n’existe pas encore. Il faut en effet construire des fondamentaux solides, avant même la modification statutaire : la raison d’être, les objectifs, l’implication des équipes, la cohérence du reporting. Il faut accepter le temps long : c’est un processus organique. Un changement de posture plus qu’un simple projet juridique.

Quels repères donneriez-vous à un dirigeant qui souhaite s’engager ?

D’abord, s’autoriser à prendre le temps. C’est une démarche qui se construit dans l’écoute, la confrontation d’idées, l’intelligence collective. Chez Exco, nous aimons dire qu’il faut « faire avec » : avec les collaborateurs, les clients, les partenaires, les territoires. Ensuite, ne pas rester entre soi. C’est souvent dans l’ouverture que naissent les intuitions les plus fertiles. La mission ne doit pas être un slogan mais une boussole.

Quel est le rôle concret de l’OTI dans ce parcours ?

L’OTI, ce n’est pas un juge ou un censeur. C’est un éclaireur. Nous intervenons sur la réalisation de la mission, sa sincérité, sa robustesse. Ce rôle exige une vraie immersion dans la vie de l’entreprise. Chez Exco, notre accompagnement se veut pragmatique, structurant, mais surtout respectueux de l’histoire de chaque structure. Nous aidons à faire émerger la clarté et la cohérence. Comme un jardinier veille à l’équilibre d’un sol avant toute culture.

Quelles sont les conditions d’un passage réussi à la société à mission ?

Une entreprise prête, c’est une entreprise alignée. Qui sait pourquoi elle agit, comment elle le mesure et qui elle embarque. Voici quelques balises :

– Une raison d’être vivante, connectée à l’activité réelle ;

– Des objectifs statutaires concrets et déclinés en objectifs opérationnels suivis dans la durée ;

– Une gouvernance ouverte, avec un comité de mission actif et engagé ;

– Un pilotage de la mission intégré aux choix stratégiques ;

Et surtout : une volonté sincère d’aligner les actes avec les mots. Chez Exco, nous croyons profondément que les engagements porteurs de sens sont ceux qui prennent racine dans la réalité du terrain, de l’humain, du collectif.

Pour conclure, que diriez-vous à un dirigeant encore hésitant ?

Je lui dirais : « osez, mais ancrez ! » L’aventure de la société à mission est exigeante, mais elle a cette formidable capacité à régénérer le projet d’entreprise, à redonner de la clarté, du souffle et du sens. Elle amène à des décisions plus justes, des équipes plus engagées et des relations plus durables. C’est en ce sens que nous parlons de fertilisation : cultiver aujourd’hui ce qui fera éclore les entreprises résilientes de demain.

C’est un changement de posture plus qu’un simple projet juridique